Mardi 19 juillet 1870 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paramé)


original de la lettre 1870-07-19B pages1-4.jpg original de la lettre 1870-07-19B pages2-3.jpg


CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]

Ma Nie

Allant à Mulhouse demain matin je prévois que je n'aurai pas beaucoup de temps à te donner & cependant ces quelques minutes que je passe à bavarder avec toi sont bien les seules agréables de la Journée. La Journée est bien longue & je ne fais pas grand-chose. Aujourd'hui je me suis trouvé fatigué surtout ce matin. Aussi n'ai-je pas fait ni vu grand-chose.

La chaleur est toujours excessive, d'une sècheresse accablante. Notre jardin n'est rien, les arbres perdent leurs feuilles en partie. La pomme de terre commence à sécher, sans ou avec peu de tubercules gros comme noisettes, c'est désolant. Je suis à me demander comment l'on fera pour entretenir tant de monde. Et voilà encore la guerre. C'est [dur] ! Forcément, en tout, l'on va réduire le travail & produire le moins possible.

La visite de M. Ruot[2] m'a interrompu il vient coucher ici pour aller avec moi à Mulhouse & de là à Morschwiller. En ce moment il est allé faire visite à tante Georges[3] ce qui me permet de continuer ma lettre.

L'on dit qu'un camp de 50 000 va être improvisé entre Bâle & Mulhouse très probablement pour les troupes, qui attendent leur départ pour l'Allemagne du Sud. Mais je suppose que c'est la garde mobile qui va l'occuper dans peu de jours.
Rien n'est encore décidé pour la garde mobile. le fils Stoecklin[4] s'attend à partir comme Julien[5] & quantité d'autres.
Il est probable aussi que nous allons devancer le tirage au sort de l'année prochaine. ce sera pour bientôt, car tout se précipite.

Si je vais vous trouver ce ne sera que pour 2 ou 3 jours au plus car j'ai bien besoin de ma personne ici. M. Barbé[6] est toujours auprès de son frère il m'écrit [  ]

A Morschwiller comme ici, nous avons des heures dans la journée où il n'y a pas assez d'Eau dans le canal pour laver, cela ne s'est jamais vu.
Au bord de la mer vous avez encore quelquefois de la pluie, mais ici du vent Nord-Est. Cependant ici il y a fort peu de malades me dit-on.

Paul nous a raconté les dévergondages les plus bestiaux & sauvages qui se sont passés à Mulhouse pendant ces grèves. Quelle dissolution de la société ! n'en est il ainsi que dans les grands centres industriels ? je ne le crois pas, l'on n'y voit que les excès, mais le fait existe malheureusement partout.

Je pense que Julien, qui ne m'écrit qu'une lettre de Lacédémonien, te donnera plus de nouvelles de la maison qu'il ne l'a fait dans sa lettre.

Que fait Alfred[7] , qu'a-t-il fait à Brousseval. A-t-on parlé [  ]

Si je vais vous trouver, je ne [ferai] que passer par Paris aller & retour. Il est sûr que je n'irai pas au Jardin à moins que les chemins de fer ne marchent pas.
Je m'arrête à Nogent quelques heures seulement si possible pour continuer vers vous.
Mais comme mon voyage aurait encore un autre but que celui d'aller vous embrasser comme je vous aime je ne sais pas pour quelle époque il se ferait ; je voudrais que ce fût le plus tôt possible mais n'ai encore réponse de personne.

En attendant que je te donne de nos nouvelles demain soir je t'embrasse avec les enfants [8] du plus profond de mon cœur sans oublier tous ceux qui t'entourent

tout à toi
Charles Mertzdorff

Mardi soir 10 h.
Les courriers se font-ils toujours régulièrement. Informe-moi si le chemin de fer Ouest marche comme d'habitude

Question importante le Jardinier[9] a des haricots, n'en aura probablement pas en Octobre. faut-il couper maintenant. la Cuisine dit que ce n'est pas la saison que ce sera mauvais, le Jardinier dit que tout brûle & il a raison. On demande ton avis, au plus vite.
Nanette[10] n'est pas contente du Jardinier qui [n'arrive] à rien. Je crois remarquer en effet de la paresse. C'est un bavard. mais je n'ai pas le temps de m'en occuper maintenant.

Avant de quitter je te promets une dépêche.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Henri Ruot.
  3. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  4. Alfred Stoecklin (né en 1846).
  5. Julien Desnoyers.
  6. Victor Barbé.
  7. Alfred Desnoyers.
  8. Marie et Émilie Mertzdorff.
  9. Gustave, jardinier chez les Mertzdorff.
  10. Annette, domestique chez les Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 19 juillet 1870 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paramé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_19_juillet_1870_(B)&oldid=61860 (accédée le 15 novembre 2024).

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