Mardi 19 juillet 1870 (A)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paramé) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mardi 19 Juillet 70 Paramé
1 h 1/2
Mon cher Ami,
Le courrier a manqué hier soir et ce matin et ; Il faut que je m'attende à ce qu'il en soit ainsi bien souvent avec les encombrements de toutes les lignes par les transports de toutes les troupes ; et que sera-ce lorsque la guerre va être entamée ?
Ta dernière lettre était de Samedi midi, tu avais l'air bien de santé, mais que d'émotions et que de responsabilités pour toi, mon bon chéri. J'espère que d'après ta bonne influence les ouvriers de Mme André[1] auront suivi l'exemple des tiens et seront rentrés à leur poste Lundi matin. Maintenant la question des grèves disparaît devant la guerre. Que penses-tu ? Quel est ton opinion au sujet des chances qui peuvent amener les Prussiens jusque vers notre chez nous ? Comme je te l'écrivais hier, je ne sais si je dois oser dire mon désir de rentrer auprès de toi, car n'est-ce pas la Providence qui nous a conduit à éloigner involontairement nos petites filles[2] du théâtre possible de la guerre ; et d'éviter pour elles des spectacles terribles ! Notres bonnes mères[3] nous a ont souvent parlé de ses leurs souvenirs se reportant à l'époque de l'invasion des étrangers sur notre pays tant à Montmorency qu'à Cernay !!
Nous avons ce matin une lettre de maman disant toujours l'enthousiasme des parisiens, et au reste partout jusqu'ici même. Que de douleurs après et pendant !
Les Vaillant[4] sont venus nous surprendre à 11 h, le bain allait se prendre, ce qui s'est fait, puis on a mis leur couvert et nous venons de déjeuner tous de bon appétit ; le temps est doux et on se prépare à faire une promenade à marée basse. Nos petites filles ont bien bonne mine, Marie surtout fait l'admiration de tout le monde. Hortense[5] est bien gentille, c'est une grande fille de ma taille, mais bien naturelle, sa présence fait le bonheur de notre Marie qui câline sa petite amie ; Emilie est aussi bien contente, mais pour le moment elle trouverait se rapetisser en allant jouer avec Jean[6], ce qui fait qu'elle a travaillé à sa petite chemise de pauvre avec une raison incroyable... mais la voilà qui va s'installer sur le perron avec les petits pots et Jean, là elle va retrouver son élément, les 2 grandes se reposent d'une partie de courir en lisant chacune tout bas. Aglaé[7] cause avec Mme Vaillant ; ces 3 messieurs[8] examinent quelques petites bêtes, et moi je m'isole avec mon encrier et ma plume sur la table du salon pour dire à mon meilleur ami combien je pense à lui et combien sa petite femme l'aime. J'espère ce soir recevoir de tes nouvelles. Je t'écris tous les jours, c'est le chemin de fer qui sera à accuser si tu manques de recevoir de notre écriture.
Que devient-on à Morschwiller[9] ? Adieu, mon cher Charles, je t'embrasse de cœur
Eugénie M.
Notes
- ↑ Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André.
- ↑ Marie et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers, mère d’Eugénie et Marie Anne Heuchel, épouse de Pierre Mertzdorff, mère de Charles.
- ↑ Léon Vaillant et son épouse Henriette Jeanne Hovius.
- ↑ Hortense Duval.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Léon Vaillant, Alphonse Milne-Edwards, Julien Desnoyers.
- ↑ La famille Duméril est à Morschwiller.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 19 juillet 1870 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paramé) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_19_juillet_1870_(A)&oldid=61053 (accédée le 18 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.