Mardi 18 janvier 1881
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 18 Janvier 81.
Mon cher Papa,
C’est bien mal à moi de ne pas t’avoir encore écrit cependant je t’assure que je pense bien à toi depuis que tu nous as quittés et je trouve très triste de n’avoir plus chaque jour ces bonnes petites visites auxquelles je m’étais si bien habituée et qui me faisaient passer si agréablement mes heures de couture ; ce qui m’afflige le plus c’est que c’est avec préméditation que j’ai ajourné ma lettre et par suite d’un détestable calcul : je me suis dit que nous ne pourrions recevoir de tes nouvelles qu’aujourd’hui et que par conséquent c’était aussi Mardi qu’il fallait t’écrire ; j’oubliais les 14 heures de route que cette pauvre lettre aura à faire pour t’aller trouver ! c’est fort naïf et j’en suis confuse. Je suis bien impatiente, mon Père chéri, de savoir comment s’est passé ton long voyage, je crains que tu n’aies eu bien froid car le vent était singulièrement piquant Samedi matin. J’espère qu’Emilie[1] a eu une lettre de toi et qu’elle ne va pas attendre de me voir pour me la communiquer car depuis 2 jours je ne sors pas sans mon mari[2] qui a trop peur que je ne glisse seule (je suis bien solide pourtant) et il n’a pas toujours le temps de me promener, d’autant plus que je n’y tiens nullement, la neige et la boue sont fort désagréables. Dimanche nous étions partis tous les 2 par un assez beau temps, Marcel m’avait laissée au tramway allant au Jardin et allait lui patiner, lorsque une fois en route une neige épouvantable a commencé à tomber si bien que l’omnibus même du Jardin ne pouvait à peine avancer. Je suis arrivée toute blanche chez tante[3] où mon pauvre mari n’a pas tardé à venir me rejoindre, très tourmenté de me savoir dehors par une tempête pareille, et comme à 3 heures quand nous sommes repartis ensemble les voitures ne circulaient presque plus nous sommes rentrés bravement en nous donnant le bras et en pataugeant dans un beau tapis blanc.
Cette course m’a bien amusée et ne m’a fatiguée en aucune façon. Hier je n’ai pas bougé sauf le soir, après le dîner nous avons été faire une petite visite à notre mère[4]. Aujourd’hui c’est un dégel complet, il est tombé encore beaucoup de neige cette nuit de sorte que les rues sont bordées de chaque côté d’un haut mur de neige et le milieu est un vrai torrent de boue ; je me réjouis de ne pas bouger et je me contente d’admirer par la fenêtre la neige du jardin[5] qui est encore propre et sur laquelle brille un beau soleil. Je t’envoie un mot que Marcel a reçu de M. [R[6]] Roland-Gosselin en réponse à ses questions sur les valeurs de M. le Curé[7]. Tu verras avec lui d’après cette lettre ce qu’il vaut mieux faire et Marcel exécutera ce que vous direz.
Adieu, mon cher petit Papa, je t’embrasse de tout mon cœur, je voudrais déjà te voir revenir !
ta fille
Marie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Le jardin du pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Le seul M. Roland-Gosselin dont le prénom commence par R que nous avons trouvé est Robert Roland-Gosselin (1854-1925), polytechnicien, botaniste – ce qui ne semble pas correspondre ici.
- ↑ Louis Oesterlé curé de Vieux-Thann (voir la lettre 20 octobre 1880).
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 18 janvier 1881. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_18_janvier_1881&oldid=40756 (accédée le 22 décembre 2024).
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