Samedi 22 janvier 1881 (A)
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 22 Janvier 81
Mon cher Papa,
C’est avec bien grand plaisir que j’ai lu et relu la longue lettre de toi qu’Émilie[1] m’a envoyée et j’ai appris avec joie que tu n’avais pas trop souffert du froid pendant ton voyage ce que je craignais un peu. C’est vraiment désolant de savoir cette pauvre tante Zaepffel[2] en si triste état ; heureusement que si son mal est fort douloureux il n’est pas grave en proportion et une fois toutes ces contusions guéries il ne lui en restera pas de suites.
Je pense que tu as à Vieux-Thann le même temps que nous avec une exagération de froid peut-être ; nous venons de regarder le thermomètre il est 9h et il marque encore 7° ; c’est il me semble la température la plus basse de l’hiver mais comme je ne sors pas du tout depuis qu’il gèle je ne puis guère me prononcer à ce sujet. Marcel[3] craint beaucoup de me voir glisser et comme je n’ai rien à faire dehors je passe mon temps très agréablement dans mon petit salon[4] bien chauffé où je lis, j’écris et je travaille tout à mon aise et sans m’ennuyer aucunement. Mercredi soir nous avons été avec notre mère[5] dîner chez les d’Arleux[6] où on m’a chargée pour toi de bien des remerciements et des regrets de ne pas te voir. C’était une réunion assez nombreuse où la famille dominait mais où il y avait aussi deux jeunes ménages que nous ne connaissions pas. Nous sommes rentrés assez tard (minuit) mais cependant avant qu’une nouvelle couche de neige n’ait recommencé à tomber, et le lendemain matin nous avons été fort étonnés de voir notre jardin plus blanc que jamais. Malgré cela nous avons été bravement dîner au Jardin (Jeudi soir) ; je n’avais vu personne depuis Dimanche et je commençais à trouver cela un peu long. Pour revenir tante[7] m’a prêtée de gros chaussons et bien accrochée au bras de mon mari je suis arrivée sans encombre au tramway qui marchait péniblement puis à la maison.
Hier comme le même temps glissant continuait je n’ai pas bougé et ô merveille, mon Papa, j’ai dessiné pendant 2 heures avec grand enthousiasme quoique je n’aie produit qu’une horreur. Tu vois qu’il ne faut désespérer de rien. Je lis aussi avec beaucoup d’intérêt les Mémoires de M. Guizot[8] que j’entremêle d’articles de ta Revue des 2 Mondes et d’un peu de Walter Scott en anglais. Je fais des embrasses pour les fameux rideaux que tu m’as vu commencer et qui du reste n’avancent que péniblement ; mes comptes sont dans un ordre parfait et je doute que je puisse longtemps les tenir avec tant de soin. Enfin au milieu de toutes ces occupations diverses je pense sans cesse à mon petit enfant[9], ce qui me remplit de joie. Sais-tu que dans près de 5 semaines il sera là ce petit chéri !
S’il ne fait pas trop mauvais aujourd’hui j’irai avec tante lui acheter son berceau !
Adieu mon bon papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille
Marie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Dans le pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Les Morel d’Arleux.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ François Guizot (1787-1874), Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps (plusieurs éditions depuis 1858).
- ↑ Jeanne de Fréville naîtra le 19 mars 1881.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 22 janvier 1881 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_22_janvier_1881_(A)&oldid=35479 (accédée le 22 décembre 2024).
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