Mardi 13 juillet 1880
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 13 Juillet 1880.
C’est en rougissant, mon cher Papa, que j’arrive auprès de toi ce matin, il me semble qu’il y a si si longtemps que je ne t’ai écrit que je n’ose pas regarder en arrière ni compter les jours ; figure-toi, mon petit Papa, qu’il y a eu une lettre perdue, devine qu’il y avait dedans beaucoup d’amitiés et peu de choses intéressantes et tu m’ôteras bien des remords ! cela pourrait si bien être la vérité, j’ai eu tant de fois le désir et l’intention de t’écrire ! heureusement qu’Émilie[1] a été plus active que moi, et grâce à elle tu sais à peu près je pense quel a été l’emploi de notre temps.
Et d’abord, mon cher Père, tu vois que nous avons renoncé au vague projet dont je t’avais parlé : d’aller passer les fêtes au Houssay, Marcel[2] était forcé d’être à la Cour Jeudi à midi et nous nous sommes décidés à laisser passer bien tranquillement dans notre petit coin[3] où personne ne nous voit et où nous ne voyons personne, la journée du 14 Juillet. Tout Paris commence à se pavoiser, jamais je crois on n’a fait des préparatifs aussi considérables, c’est vraiment triste que ce soit pour fêter la 1ère journée de la révolution. On n’est pas venu nous demander notre obole pour contribuer à la décoration des rues mais Marcel étai bien décidé à répondre que maintenant qu’il était un peu alsacien il ne voulait illuminer que quand la France aurait de nouveau l’Alsace et que pour le moment il serait plus heureux de voir un moins grand nombre de drapeaux tricolores dans les rues de Paris et de savoir que l’on pense sérieusement à le replacer dans nos provinces perdues. C’est affligeant de voir comment les choses marchent en France en ce moment.
Hier nous avons dîné au Jardin pour dire adieu à tout notre monde, tante[4] et Émilie sont parties ce matin et ces Messieurs[5] quittent demain soir ; pour nous, notre départ est fixé à Dimanche matin. Nous nous réjouissons bien d’être tous les deux au bord de la mer[6], nous y resterons probablement seuls une quinzaine de jours puis notre mère[7] viendra nous retrouver.
Je vais être bien longtemps par exemple sans voir ma petite Émilie et tante et cette pensée-là m’ennuie fort. Aussi j’ai été bien contente d’apprendre que tante Louise[8] et Marthe[9] allaient les accompagner à Launay. Émilie est parfaitement bien du reste, elle est très gaie et très en train, je crois que c’est son mal de dent qui la rendait si sérieuse pendant que tu étais ici.
Adieu, mon cher Papa, je suis bien contente de savoir qu’oncle Léon[10] part de suite pour Cauterets et que par conséquent tu seras libre en Août. Quel bonheur de te revoir ; je t’embrasse mille fois mon petit Père bien bien fort comme je t’aime.
Your
Marie
J’embrasse bien bon-papa et bonne-maman[11].
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marcel de Fréville époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Le pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ d’Alphonse Milne-Edwards et son père Henri Milne-Edwards.
- ↑ A Villers-sur-mer.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 13 juillet 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_13_juillet_1880&oldid=40695 (accédée le 15 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.