Mardi 12 octobre 1802, 20 vendémiaire an X

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)


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n° 143

 

Paris le 20 Vendémiaire an X

Mon cher Père,

Je suis arrivé hier soir de Pithiviers très bien portant. j'y ai passé une dizaine de jours, j'étais envoyé par le Ministre[1], comme médecin extraordinaire, pour donner les renseignements sur la cause et les effets d'une épidémie[2] dont les ravages étaient effrayants. nous nous sommes rendus à Orléans, le citoyen Desgenettes, l'un des professeurs de l'Ecole, et moi, pour conférer avec le préfet[3]. Nous en sommes partis le lendemain pour voir les lieux.

Pithiviers est une petite ville du Loiret, chef-lieu de la sous-préfecture. elle renferme à peu près trois mille habitants. elle est mal bâtie, sans égouts, et mal pavée. elle est entourée d'une petite rivière qui se jette dans celle d'Essonne mais qu'on nomme auparavant l'Oeuf. C'est cette petite rivière qui, par les inondations qu'elle a produites, est la cause de l'épidémie. toutes les communes qu'elle traverse ou côtoie en sont également attaquées. à Pithiviers sur 3 000 habitants, 1 800 ont été malades et au moins 15 l'étaient encore lorsque nous y sommes arrivés. notre première démarche a été de visiter les lieux. de conférer avec les autorités et de voir quelques malades. nous avons porté notre jugement sur la cause de la maladie, sur sa nature non contagieuse, et sur le mauvais mode de traitement adopté jusque-là. Nous avons fait assembler les médecins et chirurgiens non malades ; leur avons prescrit le moyen curatif et nous avons entendu les autorités. il nous a paru nécessaire de solliciter de suite des secours du gouvernement. Desgenettes est parti de suite pour Paris. je suis resté en attendant l’effet de ces démarches. pendant ce temps j'ai cru être utile en faisant deux choses nécessaires :

1° de faire la topographie du pays, et de prendre des renseignements précis et de voir moi-même la cause de l'épidémie.

2° de visiter les malades les plus pauvres. j'en visitais et je tenais note chaque jour de l'histoire de la maladie de plus de 180. et cela a duré cinq jours. les secours que nous attendions sont arrivés. Six médecins sont venus me remplacer et nous avons obtenu 6 000ll et l'on nous en a promis 6 autres. je suis parti comblé de bénédictions du pays. je suis arrivé hier soir et je vous embrasse

Votre fils C. Duméril

je verrai demain M. Dejean[4] et je lui parlerai de l'affaire pour laquelle vous m'avez écrit. je vous donnerai de mes nouvelles plus au long dans ma réponse


Notes

  1. Probablement le ministre de l’Intérieur Chaptal.
  2. Sur cette épidémie de fièvres intermittentes, due aux inondations de l’Essonne, voir Pierre-Olivier Fanica, « La disparition du paludisme dans la France rurale et la régression des terres humides. Exemple de la Sologne », Etude et gestion des sols, 2006.
  3. Jean Philibert Maret.
  4. Jean François Aimé Dejean.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 102-104)

Annexe

Monsieur Duméril

Substitut du Commissaire du gouvernement près le tribunal civil,

à Amiens

département de la Somme

Pour citer cette page

« Mardi 12 octobre 1802, 20 vendémiaire an X. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_12_octobre_1802,_20_vend%C3%A9miaire_an_X&oldid=40688 (accédée le 19 avril 2024).

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