Lundi 6 juillet 1874
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 6 Juillet 1874 (Lundi)
Mon Père chéri,
Par combien de mea culpa dois-je commencer cette lettre car je suis vraiment bien coupable de ne pas t’avoir écrit tous ces jours-ci d’autant mieux que ce n’est que pure paresse. Je compte néanmoins sur ton pardon quand tu sauras où nous avons passé notre journée d’hier.
A Montmorency depuis Samedi et nous ne sommes revenus que de ce matin. Que de débauches n’est-ce pas ? Mais que je te raconte notre vie depuis Samedi matin.
D’abord à 8h arrive Mlle Duponchel ma maîtresse de dessin. Elle est charmante et me plaît énormément.
Cette première leçon m’a beaucoup amusée j’ai fait un petit <projet> et j’ai trouvé que Mlle Duponchel me la donnait très bien. Cela me faisait un très drôle d’effet d’être assise devant ce grand chevalet. Je dessine au fusain et à main levée. J’aurai de nouveau une leçon demain.
A midi ½ Mlle Bosvy est arrivée (en retard) et nous avons pris notre leçon. Malheureusement nous avions à 2h une leçon chez Mme Roger[1] et à 2 h ½ Mlle B. était encore là. Alors nous avons vite pris une voiture et nous arrivons rue de Madame à 3 h lorsque dans cette rue nous croisons Mme Roger il y avait eu un malentendu ce n’était que pour Samedi prochain.
Nous en étions bien contentes, nous avons été alors faire plusieurs courses telles qu’acheter un pâté & tu sais que c’est de règle puis chez Mme Bonnard[2] à qui Emilie[3] portait une image[4] et qu’elle voulait remercier. Nous ne l’avons pas trouvée pas plus que la tante[5] bien que ce soit leur jour mais Mme Juttin nous a dit que l’oncle[6] allait bien. Nous avons été ensuite chez Mmes Buffet[7] et Target[8] et enfin au chemin de fer du Nord où nous avons trouvé oncle[9] et Jean[10]. La route s’est très bien passée ainsi que la soirée. Emilie et moi couchions dans le grand lit de la chambre bleue ce qui nous amusait beaucoup. Nous avons fait très bon ménage et je n’ai plus demandé comme à Portrieux qu’on m’enlève cette petite. Dimanche matin nous avons beaucoup causé de nos lits avec oncle et tante[11]. Jean était le 1er levé. Après la messe nous nous sommes mis à jouer ce qui a duré jusqu’au dîner deux fois j’ai pris du papier pour t’écrire mais le jeu me tentait tant que malgré mes quinze ans ce qui m’humilie un peu j’ai cédé et je suis retournée faire la maman. Après dîner nous avons joué avec oncle au chat perché. Ce matin je dormais si fort qu’on s’est mis à trois personnes à me réveiller mais Emilie a grimpé sur moi afin qu’on ne me jette pas d’eau. Nous avons quitté bon-papa et bonne-maman[12] à 7 h ½ la route d’Enghien était délicieuse à 9 h nous étions ici. Tu vois que c’était une ravissante expédition et comme un avant-goût de la mer il ne nous manquait que toi pour que la partie soit complète. Je viens de prendre ma douche et vais aller au bain froid avec Emilie Jeanne[13] et Mme Brongniart[14] la première fois que nous serons au complet. J’ai encore beaucoup à faire mais enfin tant pis le bain froid m’amuse tant que je me dépêcherai un peu plus demain matin car le soir nous dînons à Bellevue chez Mme Vaillant[15] que de sorties mondaines n’est-ce pas ?
Adieu, mon petit papa chéri, j’aurais encore vingt autres choses à te dire mais ce sera pour la prochaine lettre que je l’espère bien ne se fera pas tant attendre. Emilie et moi nous t’embrassons bien fort
Ta fille Marie
Le temps est toujours splendide et très chaud.
Notes
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Elisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Une image de première communion.
- ↑ Caroline Gasser, épouse de Frédéric Mertzdorff.
- ↑ Frédéric Mertzdorff.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
- ↑ Probablement Eléonore Pauline Lebret du Désert, veuve de Louis Ange Guy Target et mère de Mme Buffet.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le petit Jean Dumas.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Jeanne Brongniart.
- ↑ Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart et mère de Jeanne.
- ↑ Henriette Jeanne Hovius, épouse de Léon Vaillant.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 6 juillet 1874. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_6_juillet_1874&oldid=42493 (accédée le 21 novembre 2024).
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