Lundi 4 septembre 1916
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Saint Cloud) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
Mon cher Louis,
Je suis désolée de te savoir souffrant et pris à ton tour de la vilaine épidémie qui te liquéfie. Tu vas sortir de là affaibli encore une fois, tandis que tu allais si bien ! pas de chance !
Je te recommande de te soigner de près et de ne pas te croire trop tôt guéri. Je t’ai envoyé hier des comprimés désinfectants qui seront plus efficaces que ceux du Docteur Gustin[3] plutôt faits pour faciliter la digestion dans l’estomac. Et ce matin je t’ai envoyé du lait concentré. Il n’est malheureusement pas sucré. Depuis j’en ai retrouvé du sucré que je vais également t’envoyer.
Nous avons en ce moment la visite de la sœur de l’École de Vieux-Thann[4] qui passe par Paris allant au à Lourdes et que j’héberge rue de Sèvres. J’ai été l’y voir hier et ta tante Marie[5] est venue de Livet pour la rencontrer, repartie le soir même !... aujourd’hui c’est la sœur qui vient me voir ici. Ses récits sont poignants et bien admirables.
Les nouvelles de Jacques[6] sont très bonnes et la vie très active qu’il mène paraît lui convenir au physique comme au moral.
Élise[7] devient majestueuse en effet et voudrait bien déposer cette majesté. Elle trouve que c’est long d’attendre le bon plaisir de ce mioche. Jacqui[8] nous distrait par son petit babil de plus en plus intéressant.
M. le Doyen[9] m’écrit apprendre par le curé de Buire[10] que tu as dans ton voisinage un de ses paroissiens qui chante tes louanges, mais il ne m’en dit pas le nom[11].
Lina[12] vient de perdre son frère tué au bois [Chênois] près de Verdun. C’était l’unique garçon de la famille !
Élise sait Maurice[13] dans les tranchées non loin de Maurepas, elle se tourmente et je la comprends. Ce doit être terrible par là ! M. Martin m’a donné quelques détails sur l’attaque qu’a faite son [Bataillon] et qui lui a coûté cher. Lui-même n’a dû son salut qu’à un changement de compagnie, le sergent qui avait pris sa place a été tué ainsi que tous les officiers et 3 sous-officiers. Ils vont faire assez prochainement une 2e attaque. Jules le G.[14] doit être aussi là, je n’ai pas de nouvelles ; la pauvre Laure doit être bien inquiète. Donne-nous de tes nouvelles très souvent à ton père[15] ou à moi.
C’est à Wimereux[16] que tu le trouveras. Il y est arrivé hier soir.
Je t’embrasse tendrement, mon cher petit.
Emy
Notes
- ↑ Émilie Mertzdorff-Froissart est auprès de sa belle-fille.
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Louis Gustin, pharmacien et médecin, inventeur de plusieurs préparations prêtes à l’emploi à base d’alcalis.
- ↑ Probablement la sœur Sébastienne.
- ↑ Marie Mertzdorff, veuve de Marcel de Fréville.
- ↑ Jacques Froissart.
- ↑ Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart, va accoucher de Marc.
- ↑ Jacques Damas Froissart, fils des précédents.
- ↑ Jean Baptiste Legay, doyen de Campagne-les-Hesdin.
- ↑ Louis Fourrier, curé de Buire-le-Sec (près de Brimeux).
- ↑ Il s’agit probablement de M. Lasalle (voir la lettre du 9 septembre).
- ↑ Lina, domestique. Possiblement Aline Marguerite Marchand, épouse de Jules Charles Wolff.
- ↑ Maurice Vandame, frère d’Elise.
- ↑ Jules Legentil, époux de Laure Froissart.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Wimereux, dans le Pas-de-Calais, où réside Lucie Froissart-Degroote.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 4 septembre 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Saint Cloud) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_4_septembre_1916&oldid=61316 (accédée le 21 décembre 2024).
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