Lundi 27 janvier 1879 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris), avec un ajout mardi 28
Lundi 27 Janvier 79.
Ma chère Marie
Il fait nuit déjà, ce n'est donc pour la poste de demain que je prépare ma missive ; les deux seules fois que je t'écrivais j'étais toujours si pressé que je veux me donner le temps.
bonne-maman[1] sort d'ici & voyant que j'écrivais à ses chères petites-filles[2] elle me charge d'embrasser ces toutes chéries, y ajoutant beaucoup de charmants adjectifs qualificatifs & tu auras exactement tout ce que son bon cœur de Grand-mère m'a dicté.
Ce matin j'ai lu avec grand plaisir ta bonne lettre, je vois avec bien du bonheur que ton rhume n'est pas tourmentant, même pour un papa qui est à Cent lieues au loin.
Vous n'avez pas été à la soirée G.[3] c'était fort prudent & ce qui me fait surtout grand plaisir c'est que cela [ ] vous a pas fait trop de chagrin, c'est très bien.
Hier déjà j'avais reçu la grande nouvelle de Nancy & me réjouissais de vous la raconter lorsque ta lettre de ce matin me dit que cela vous est déjà connu.
Comme toi je n'en reviens pas & ne comprends pas Mme Eugène[4] d'avoir consenti à marier sa fille[5] de 18 ans à peine. Je ne puis me l'expliquer que par le parti riche qui s'est présenté & que l'on ne pouvait reculer davantage. l'on va marier là deux bébés, car le garçon de 23 ans aura encore besoin d'un bon tuteur pour apprendre à se conduire. Il est permis de tomber des nues lorsqu'une pareille nouvelle se décroche d'une lettre sans autre avertissement.
Je voudrais pouvoir t'annoncer quelque projet pareil pour vos amies[6], mes voisines, il paraît que la maman[7] s'en inquiète beaucoup mais il n'y a rien que je sache.
Elles ne doivent pas le regretter cependant, car ces Demoiselles s'amusent beaucoup & certainement une fois mariées, il n'en sera plus de même. du reste je crois que c'est la maman seule qui porte ces soucis-là, car la jeunesse je pense n'y pense guère.
Il paraît que le concert de Mulhouse a été des mieux réussi. Beaucoup d'artistes de Bâle & environs ont prêté leur concours ; Marie[8] est rentrée ravie de son séjour à Mulhouse Samedi & Dimanche. Par contre sa mère Mme Stackler[9] était restée ici pour garder Maison & Enfant[10] et était elle-même très souffrante.
J'ai eu hier la visite de Sœur Bonaventure qui est venu visiter un malade. elle est restée une bonne heure avec moi, c'était un Dimanche & nous étions bien tranquilles à causer, comme elle voit bien & qu'elle a beaucoup vu, sa conversation est toujours agréable malgré la langue !
Ma dernière lettre devait vous annoncer un envoi de poires, mais la caisse quittant Vendredi grande vitesse doit avoir devancé le présent avis. J'ai laissé faire le Jardinier[11] & Thérèse[12] & n'ai pas idée de ce que l'on vous adresse. Comme tu es le grand maître du fruitier cela te donnera quelque occupation & préoccupations ?
Il ne fait pas froid, & il n'y a que les sommets des Montagnes qui aient conservé la neige. Il gèle un peu de sorte que l'on peut se promener sans trop de boue.
Après mon dîner pour sortir un peu j'ai fait un tour, suis entré faire une petite visite aux Heuchel[13] qui vont bien. puis ai rencontré Mme Berger & l'on a parlé d'un petit spectacle, donné chez les Berger. 2 acteurs Marthe[14] & Charles[15], auteur de la pièce l'institutrice, dont l'on est toujours très content. Pour peu qu'auteur & acteurs aient quelque succès & l'on construira une salle de théâtre à Vieux-Thann.
De ma maison je n'ai rien à te dire, elle est toujours très grande, mais bien luisante, l'on y fait peu de bruit sauf quelques petites souris qui y mènent une vie déréglée ; elles sont le désespoir de la cuisinière & si elle ne m'en parlait pas, je ne m'en serais jamais douté.
De même à la fabrique l'on travaille suffisamment pour la crise que nous traversons & n'avons pas trop le droit de nous plaindre. Nous avons toujours pas mal de pensionnaires malades ; la femme Kohler[16], notre voisine, est de nouveau malade. Le Jardinier ne passe pas non plus un bon hiver. Quant à moi, je ne reçois depuis mon retour, que des compliments sur ma bonne mine, & cela doit être car chacun m'en parle.
Marie Léon me charge de mille choses affectueuses pour vous, ils[17] sont venus passer leur soirée chez moi. Mardi matin il ne me reste que de vous embrasser de tout cœur
ton père Charles Mertzdorff
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
- ↑ Bal donné par Isabelle Hittorff et son époux Albert Gaudry.
- ↑ Marie Bossu épouse d’Eugène Zaepffel.
- ↑ Laure Zaepffel, qui va épouser Henri Velin.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
- ↑ Hélène Duméril.
- ↑ Édouard Canus.
- ↑ Thérèse Neeff, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
- ↑ Marthe non identifiée.
- ↑ Charles Berger.
- ↑ Possiblement Christine Augustin, veuve Kohler.
- ↑ Marie Stackler et son époux Léon Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 27 janvier 1879 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris), avec un ajout mardi 28 », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_27_janvier_1879_(B)&oldid=60347 (accédée le 5 décembre 2024).
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