Lundi 23 novembre 1914
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)
BRUNEHAUTPRÉ Campagne-les-Hesdin
Brimeux Pas-de-Calais[1]
23 9bre
Mon cher Louis,
Je pense que tu es heureux et fier de savoir que le nom de Froissart a un nouvel héritier. J'augure très bien de ce Jacques II[2] arrivé au bruit du canon et qui aura, avant de voir le jour, participé à la vaillance de sa mère[3] dans les tristes jours qu'elle a traversés depuis 3 mois.
Te voilà donc complètement et parfaitement inoculé et désormais à l'abri des microbes du typhus ; mais tu l'as acheté cher cette sécurité et n'a peut-être pas fini de la payer. En somme tu as eu plus de grippe que de vaccin dans ta fièvre. Pauvre garçon, il paraît que, bien que ressuscité, tu es encore tout palot et fatigué.
Je ne te donne pas de nouvelles de Michel[4] puisque tu en as de détaillées, me dit Lucie[5]. Nous n'en avons pas de Pierre[6] depuis la lettre du 13.
J'ai correspondu avec Laure[7] qui est toujours à Cognac : Cagnicourt est brûlé. Jules n'est pas parti avec le dernier départ comme il s'y attendait, de sorte qu'elle reste encore avec lui à Cognac. Elle s'occupe d'André[8]. Une dame qui est à son hôtel écrit à un officier du 46e ; mais les nouvelles qui me viennent aujourd’hui d'Hélène[9] sont encore plus précises puisqu'elle a une lettre du capitaine d'André d'où il résulte qu'il a disparu le 24 7bre.
Les Dupont[10] sont allés hier voir les Digard[11]. M. Digard n'a voulu rien dire à Alfred ; il paraît ne pas vouloir attacher d'importance aux bruits qui circulent, mais Alfred a le sentiment qu'il ne veut surtout pas laisser sa femme se reprendre à un espoir si incertain.
Alfred et Jeanne vont nous rester quelque temps ; ils sont allés rechercher leurs affaires à Boulogne d'où ton père[12] les ramènera demain, car il va demander une prolongation pour son permis de circulation.
Il a bien mal à la jambe, ton pauvre papa et ferait beaucoup mieux de rester tranquille et surtout de ne pas s'exposer au froid. Mais comment obtenir cela ?
Penses-tu revenir bientôt ? Je suis encore très enrhumée. Brunehautpré est tout blanc. Alexandre[13] vient de trouver de l'essence, du pétrole et un pneu à Paris-Plage. C'est un grand bonheur car nous étions menacés de nous trouver dans la nuit malgré toutes nos économies de luminaire et de ne pouvoir plus rouler.
Je t'embrasse bien affectueusement, cher petit, ainsi que Lucie et les petits[14]
Emy
J'ai reçu aujourd’hui une charmante lettre de Corpet qui me donne des nouvelles de Michel.
Merci à Lucie de sa lettre de Vendredi.
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ Jacques Damas Froissart.
- ↑ Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis et de Jacques.
- ↑ Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote, et sœur de Louis.
- ↑ Pierre Froissart, frère des précédents.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil ; ils sont propriétaires à Cagnicourt (arrondissement d’Arras).
- ↑ André Duméril.
- ↑ Hélène Duméril, épouse de Guy de Place et sœur d’André.
- ↑ Alfred Dupont et son épouse Jeanne Descat.
- ↑ Georges Digard et son épouse LuciePlichon, dont le fils Pierre est présumé tué.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Alexandre Baudens, chauffeur chez les Froissart.
- ↑ Lucie Froissart et ses enfants : Anne Marie, Suzanne, Georges et Geneviève Degroote.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 23 novembre 1914. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_23_novembre_1914&oldid=59416 (accédée le 18 décembre 2024).
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