Lundi 20 novembre 1876

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1876-11-20 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-11-20 pages 2-3.jpg


Paris le 20 Novembre 1876

Mon Père chéri,

Emilie[1] a dû se charger dans sa dernière lettre de te raconter mes tristes aventures au sujet de ma missive de Jeudi tu vois hélas ! que mon étourderie ne diminue pas ; je t’assure que j’en ai été bien confuse ; je m’étais tant dépêchée de t’écrire le matin afin d’être sûre que ma lettre parte et je l’oublie sur le piano ! Enfin c’est de l’histoire ancienne, tu l’as reçue maintenant et tu sais le motif du retard je vais tâcher de réparer avec celle-ci et surtout de ne pas lui laisser prendre un autre chemin que celui de la boîte.

Je vais t’annoncer une grande nouvelle que nous avons déjà annoncée bien des fois mais qui jusqu’à présent n’était que de suppositions et a toujours été fausse ; depuis hier elle est parfaitement officielle je puis donc te la dire sans crainte : le jour du déménagement est irrévocablement fixé à Vendredi prochain 24e jour du mois de Novembre et se continuera le Samedi 25 je ne puis y croire ; Dimanche nous coucherons dans notre nouvelle chambre, dans l’hôtel Vauverey.
Tu te figures donc que cette semaine ne va pas être une semaine de délices même pour ceux qui comme nous n’y feront pas grand-chose, j’ai bien peur que cette pauvre tante[2] ne se fatigue à outrance et elle l’est suffisamment déjà ; je suis sûre que tu ne lui trouverais pas bonne mine, je voudrais bien pouvoir l’aider, mais comment faire ? elle veut toujours faire par elle-même et d’une autre côté tu sais que je ne suis pas bien adroite ni entendue.
Nous nous réjouissons tous beaucoup de nous installer de l’autre côté, la maison ici est fort désagréable et l’autre est si propre si fraîche si agréable que tante elle-même malgré les peintures blanches & commence à y penser avec joie. Je crois que nous y serons parfaitement bien ; quand donc viendras-tu le constater ? il y a si longtemps que nous ne t’avons vu et nous nous y étions si bien habituées pendant les vacances !

Je relis ta bonne lettre reçue Samedi et dont j’aurais déjà dû te remercier.
Pour les tabliers je me rappelle en effet parfaitement que mère[3] avait l’habitude de donner tous les ans comme récompense à Noël des tabliers de cotonnade blancs, maintenant en donnait-elle à tout le monde ou à la 1ère Division seulement c’est ce que je ne saurais plus te dire, mais les sœurs doivent s’en souvenir. Quant à la coupe il n’y a rien au monde de plus facile ce ne sont pas des tabliers à manches que maman donnait mais tout simplement des petits tabliers droits avec une ceinture à la taille je m’en suis fait un semblable toute seule cela t’en dit assez long.
L’étoffe à 0,80 [m] est un peu trop large pour cet emploi mais elle ne les garantira que mieux ; pour le prix tante qui est grand connaisseur assure qu’il est fort modique. Je crois qu’il faudrait donner une longueur d’environ 0,70 [m] l’ourlet compris que les petites filles feront plus ou moins grand suivant leurs tailles ; pour les ceintures ce sont des bandes droites qui pourront avoir environ 0,6 de large (on en trouvera donc 13 ou 14 dans la largeur de 80 cm) et d’une longueur de 0,75 environ (c’est ma grosseur mais au besoin on pourrait les faire plus courtes).
Il me semble que la plus simple couturière de la fabrique s’en tirerait avec succès mais je crois que les sœurs sont parfaitement capables de le faire, tous les leurs sont pareils si ce n’est plus compliqués encore.

Crois-tu que l’école de M. l’abbé[4] réussisse ? Il me semble que ce doit être une bonne chose.

Au revoir, mon bon petit père chéri, à bientôt j’espère, en attendant je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime,
Ta fille
Marie

Merci mille fois à bonne-maman[5] pour sa chère lettre reçue Vendredi. Je l’embrasse fort ainsi que bon-papa[6].


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse de Charles Mertzdorff.
  4. Louis Oesterlé, curé de Vieux-Thann ?
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 20 novembre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_20_novembre_1876&oldid=40369 (accédée le 6 décembre 2024).

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