Vendredi 17 novembre 1876
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Ma chère Marie
La lettre que tu as écrite à bonne-maman[1] est venue faire la belle chez moi, probablement qu’elle ne savait pas que sa sœur tout aussi séduisante l’avait précédée de quelques heures.
Quel bonheur de vous savoir toutes bien portantes, malgré ces grands changements de température & cet air humide mais chaud de ces derniers jours.
Hier j’étais à mulhouse, ou l’on ne m’avait pas vu depuis fort longtemps ; j’étais chargé de commissions, mon apparition à la Bourse était celle d’un fantôme, car ne me voyant plus, l’on me croit toujours à Paris.
Aussi ai-je si bien fait que j’ai manqué le train de 5h & ai dû souper avec Messieurs Duméril L. & G.[2] qui se sont donnés rendez-vous pour aller à une conférence d’un professeur de Genève.
Il y avait longtemps que je n’avais fait un petit souper fin aux huîtres etc. etc... que ces petits Messieurs entendaient faire à eux deux.
C’est demain que Nanette[3] devait quitter, mais son fils a remis de 2 à 3 jours son voyage. Elle est toute prête, les comptes sont réglés & elle a donné sa démission de Cuisine. C’est Thérèse[4] qui fait tout.
J’ai du mal à conserver la paix entre mes deux bonnes, aussi est-il temps que cela finisse, autrement il faudrait bien faire maison nette.
Demain jour de nettoyage ce sera l’une des bonnes du Moulin qui viendra aider. Tu vois que la république est dans la maison. plus tard la sœur de Thérèse[5], qui continuera à travailler dans la fabrique, viendra de certains jours aider Thérèse. En attendant une nouvelle organisation qui ne peut tarder à s’introduire dans la maison. Depuis un An Nanette est au moins 6 h par jour hors de la maison à commérer dans le village ; ce qui n’est pas très agréable.
J’avais déjà l’année passée promis des étoffes pour tabliers pour l’école de Couture je n’en ai rien fait. La sœur, cette année, m’a réitérée sa demande & je viens de faire venir de Mulhouse de la cotonnade trop belle qui a 80 cm de large. Il me semble que c’est bien large pour faire des tabliers pour petites filles.
Je ne crois pas les sœurs assez entendues pour les couper. Mes couturières de la fabrique le sauront elles ?
faut-il faire tous du même modèle pour grandes & petites ? ou n’en faut-il que pour les grandes ? quelle forme donner ? comment les faire tailler ?
c’est une étoffe qui à la fabrique coûte 88 c. le mètre ! n’est-ce pas trop cher ? pour la suite bien entendu car la pièce est achetée.
Si tu voulais demander à Cécile[6] & donner tes petites idées de toi tu me ferais plaisir. Je suis trop vieux pour me faire Couturière ! & cependant je n’aime pas toujours semer, sans un peu savoir ce que je fais ! C’est épouvantable comme tout le monde me soutire mes thalers & je ne sais pas assez me défendre.
Voilà encore L’abbé[7] qui me fait dépenser 500 F pour son école du soir. Ce sont des tables, bancs, lampes, cartes etc. etc. La semaine d’avant ce sont les choux & pommes de terre de l’orphelinat qui m’ont coûté même somme. Heureusement que l’Oncle Georges[8] a une grosse caisse où il m’est permis de puiser de temps en temps.
l’acquisition de chevaux de Léon a bien réussi, jusqu’à ce jour personne encore ne s’est cassé le col ; Les bêtes sont douces, j’espère qu’elles dureront longtemps. Depuis que Vogt[9] n’est plus Cocher, il ne boit plus & n’a jamais autant travaillé. je crois qu’il s’imaginait que l’on tenait tant à lui qu’on ne trouverait pas à le remplacer. Melcher[10] a un fils[11] depuis une 15 de jours ; je ne vois pas comment ils font pour tenir tous dans leur 3 chambres.
Minette prend force souris.
Mille baisers à tous tout à toi
ton père qui t’aime
Chs Mff
Vendredi matin un petit bec avant de quitter. Il fait toujours un temps superbe je vais aller faire visite au Moulin[12].
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Léon Duméril et Georges Duméril.
- ↑ Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff, qui doit partir en Algérie auprès de son fils.
- ↑ Thérèse Neeff.
- ↑ Anne Neeff, épouse de Nicolas Auguste Abel.
- ↑ Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Louis Oesterlé, curé de Vieux-Thann ?
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Ignace Vogt, renvoyé (voir lettre 25-26 octobre 1876).
- ↑ Melchior Neeff.
- ↑ Auguste Neeff, né le 1er novembre 1876.
- ↑ Le Moulin où habitent depuis peu Félicité et Louis Daniel Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 17 novembre 1876. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_17_novembre_1876&oldid=54971 (accédée le 22 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.