Lundi 19 mars 1877
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 19 Mars 77
C’est encore moi, mon Père chéri, qui viens t’ennuyer [toujours] ta vilaine fille qui voudrait bien cependant ne pas t’être désagréable.
Voilà ce dont il s’agit et dont j’ai complètement oublié de te parler hier. Décidément emmenons-nous Cécile[1] oui ou non ? Comme je vois que tu ne lui as pas écrit je pense que c’est oui ; elle y compte tout à fait ; elle dit toujours nous irons à Vieux-Thann nous ferons ceci, cela ; et naturellement nous ne lui disons rien du tout.
Mais il faut absolument prendre un parti quelconque maintenant, et si elle ne doit pas venir il ne faut pas lui laisser faire ses caisses. Juge et décide mon bon petit Père (que c’est commode de dire cela !).
Ce que tu feras sera certainement le mieux car la question est fort embarrassante et je ne me sentirais nullement disposée à la trancher. D’un côté on lui fera de la peine, de l’autre si elle allait te désorganiser ta maison ? Enfin vois le pour et le contre et je t’en prie réponds-nous le plus vite possible. Pauvre père, comme je t’ennuie je t’assure que cela m’ennuie aussi de te dire cela et que je m’en serais volontiers dispensée mais je crois que c’est utile à savoir.
Quel bonheur de te voir bientôt, de voir mon cher bon-papa et ma chère bonne-maman[2] et de retourner à Vieux-Thann ! Ma tête est déjà en route je t’assure ; nous devons toujours partir, à moins d’événements imprévus et si nous avons fini nos courses Samedi matin à [8h] je crois pour t’arriver vers 10h c’est un peu ennuyeux ce voyage de jour, mais tante[3] le préfère et du reste nous emporterons des livres et des tapisseries de plus nous aurons nos langues tu sais que celles de tes filles[4] sont bien pendues et que le ballottement du chemin de fer ne les empêche en aucune façon de marcher ; si donc elles ne sont pas effrayées par la vue de quelque voisin intimidant et qui les paralyserait elles remueront bien. J’espère que nous aurons beau temps pendant notre séjour ; ici c’est le printemps qui arrive, il fait extrêmement doux et beau. C’est le merle qui réveille tous les matins tante et oncle[5], nous nous avons le sommeil trop [dur] pour qu’il cède devant une si faible mélodie il nous faut un bon coup de sifflet ou un rayon de soleil dans l’œil pour nous tirer des bras de Morphée.
Hier j’ai bien fait de t’écrire de bonne heure nous avons eu toute la journée un monde fou, impossible de rien faire. Mme Roger[6] et ses enfants[7], bonne-maman Desnoyers[8], Mmes Dumas[9] et Pavet[10], Hortense[11] et sa tante[12], Jeanne Brongniart, Jean[13] et Marthe[14], tu vois que cela pouvait compter. Vers [ ]h nous avons été faire visite à Mme Ravaisson[15], c’était son jour elle avait un monde fou (au moins 20 personnes) nous ne connaissions pas une [âme] impossible de parler aux maîtres de la maison aussi le même ennui mortel nous a-t-il saisi heureusement que cela n’a duré que 10 minutes.
Nous allons dans un instant partir au cours d’anglais[16] puis peut-être irons-nous voir Paulette[17] car j’oubliais de te dire que Samedi nos deux amies[18] ont admirablement bien passé leur examen oral et que maintenant ce sont deux institutrices du 1er ordre tu comprends que j’ai envie d’aller embrasser ces nouvelles collègues. Penser que je suis institutrice ! Cela prouve que mes devoirs étaient mieux que cette lettre où les fautes fourmillent et pour l’écriture de laquelle je tremblerais d’obtenir le [n°] 0.
Je t’embrasse comme je t’aime mon Père chéri, que je suis donc bavarde je n’avais absolument rien à te dire, je n’ai rien dit et me voilà déjà dans les marges.
Cela suffit, à quoi bon tant écrire puisque bientôt je vais te voir et t’embrasser pour vrai !!!!!!! Je suis à moitié et même aux ¾ toquée, croirait-on pauvre petit père que je vais avoir 18 ans ! C’est vraiment piteux d’être bébé, aussi cela me fait honte et je ne signe pas.
Notes
- ↑ Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie et sa sœur Émilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
- ↑ Thérèse, Louis Julien Joseph et Edmée Roger.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Hortense Duval.
- ↑ Constance Prévost, épouse Claude Louis Lafisse.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Marie Françoise Aglaé Louyer de Villermay, épouse de Félix Ravaisson.
- ↑ Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Paule Arnould et Henriette Baudrillart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 19 mars 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_19_mars_1877&oldid=62159 (accédée le 18 décembre 2024).
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