Lundi 18 août 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou puis Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-08-18 pages 2-3.jpg


Launay 18 Août 79

Mon Père chéri,

Nous n’avons plus guère qu’une heure à passer à Launay ; je viens de finir ma caisse et je vais vite profiter du temps qui me reste pour venir te remercier de ta longue lettre reçue hier qui comme sa sœur aînée est venue nous faire le plus grand plaisir. Cela se trouve bien que nous ne partions que Jeudi puisque tu es retenu à Mulhouse le 20 mais peut-être même Jeudi sera-t-il encore trop tôt, tu seras fatigué en rentrant et tu auras peut-être besoin de passer encore un jour à la maison ; dans ce cas préviens-nous, le télégraphe est là, rien ne nous presse de partir, et Vendredi sera aussi bon pour le départ que le veille. Tu me demandes, mon Père chéri, quels sont nos projets, il me semblait t’en avoir déjà parlé ; nous avions eu d’abord l’intention de passer par Pontarlier et d’aller directement à Lausanne mais le trajet par cette ligne est indéfiniment long ce serait par trop long et par trop ennuyeux et fatigant et nous avons préféré prendre le chemin direct de Lyon et Genève ; nous partirons vers 8h du matin pour arriver 12 heures après dans la capitale de la Suisse ; de là nous te trouverons ou t’attendrons suivant ce que tu nous diras et alors tous ensemble nous nous élancerons vers le bout du lac et les montagnes si toutefois cela te convient ; nous aurons il nous semble plus de chance de beau temps qu’en attendant davantage et puis il serait inutile de s’installer d’abord pour laisser ensuite tout et payer ses chambres pendant que l’on voyagera ailleurs. L’itinéraire n’est pas absolument fixé pour l’excursion en Savoie cela dépendra des forces des voyageurs, nous nous réjouissons énormément et sommes même trop ambitieuses, on sera forcé de nous calmer ; on se laissera un peu guider par le temps et les circonstances c’est ce qui est amusant en voyage quand rien ne vous presse et qu’on peut aller tout tranquillement devant soi, sans se fatiguer. Nous pensons sans cesse au beau pays que nous allons voir ; j’avais bien raison à Allevard de crier au revoir et non pas adieu au Mont Blanc je ne puis croire que dans 5 jours nous serons avec toi au milieu des montagnes. Nous simplifierons le plus possible le bagage pour l’excursion dans les Alpes et nous laisserons les paquets solides nous attendre en pays civilisé. Une robe sur le dos, les fameux imperméables, du linge de rechange dans le sac, un alpenstock à la main, les bottes de 7 lieues aux pieds voilà notre équipage, avec cela nous affronterons tout. Je t’ai déjà dit n’est-ce pas que j’avais ton album ; prends s’il te plaît ton petit baromètre, il sera bien amusant, des livres aussi car  une fois revenus sur les côtes du Léman nous serons contents de les trouver ; que tout cela va donc être amusant ! Je rougis mon Père chéri vois-tu en pensant combien nous sommes gâtées[1] surtout quand je vois à côté de moi la pauvre Marthe[2] qui jouit en ce moment de sa dernière heure de campagne.

Figure-toi que le Père Bertch[3] quitte Chevilly pour aller près de Dieppe les enfants[4] le suivront naturellement, seulement c’est un grand éloignement, et comme le départ est fixé à la fin de 7bre Mme Pavet[5] renonce à aller à Saint-Claude[6] pour prof voir encore un peu son petit André[7] avant la séparation définitive. Elle a une vie plus sérieuse que nous cette petite Marthe et elle est vraiment bien courageuse et bien gentille.

Adieu, Père chéri, je vais déjeuner, je t’embrasse bien vite mais aussi fort que je t’aime.

Vite un petit bonjour de Paris où nous arrivons à très bon port [ ].
[ ] ce n’est pas peu dire. Pauvre bonne-maman[8] c’est bien triste de nous voir partir et sa maison va lui paraître vide car nous l’animions joliment.


Notes

  1. Nous : Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  2. Marthe Pavet de Courteille.
  3. Victor Bertch.
  4. Les garçons Pavet de Courteille.
  5. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  6. Saint-Claude, où réside Antoine Camille Trézel et sa famille.
  7. André Pavet de Courteille.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 18 août 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou puis Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_18_ao%C3%BBt_1879&oldid=40306 (accédée le 28 mars 2024).

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