Lundi 12 mai 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-05-12 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-05-12 pages 2-3.jpg


Mon cher Papa,

Comment vas-tu ce matin ? Où faut-il que j’aille te chercher pour te faire ma petite visite ? A la fabrique ou au bureau ? Il est juste 9 heures j’ai le temps de courir vite un petit peu chez toi avant de déjeuner ; tout le monde[1] est dans la ménagerie avec le petit Henri Trézel, mais la promenade ne m’a pas tentée et comme nous devons sortir beaucoup cette après-midi j’ai mieux aimé t’écrire tout de suite et me réserver 2 heures après le déjeuner pour peindre ce qui est en ce moment mon occupation favorite ; cela a été hier l’emploi de toute mon après-midi, ne t’attends pas cependant à trouver une masse d’ouvrage, je travaille avec une lenteur rare ! et je ne fais que commencer ma 4e fleur ; mon professeur trouve que je suis beaucoup trop longue mais cependant il dit que le temps lui est égal pourvu que ce soit bien fait. Je crois aussi que j’irai plus vite quand j’aurai plus d’habitude car je tâtonne encore beaucoup. J’ai déjà été 3 fois au cours mais là je ne fais que dessiner d’après nature et je mes esquisses sont loin d’être des chefs d’œuvre. M. Beauregard[2] veut que l’imagination ait une grande part dans la copie de la nature, il fait changer le bouquet pour qu’il soit plus gracieux, mettre derrière ce qui est devant sur le modèle & enfin il me fait même faire tout à fait d’imagination des esquisses de bouquets ; ce genre d’exercice n’est pas trop de mon goût.

Hier nous avons eu une journée des plus calmes, un vrai Dimanche comme on les aime. Après la messe nous avons fait la classique petite visite à bonne-maman[3], puis nous sommes rentrées ici où nous avons retrouvé oncle[4] qui avait été toute la matinée avec M. Frémy[5]. Après avoir un peu rangé et tourné en haut je suis descendue avec tout mon attirail et comme je te le disais je me suis mise à peindre ; Emilie[6] a beaucoup étudié son piano ; vers 5h Marthe[7] est arrivée et enfin avant le dîner nous avons été faire une petite visite à Jeanne Br.[8] elle va beaucoup mieux, elle se lève maintenant une partie de l’après-midi, mange comme quatre ou plutôt voudrait manger car on ne la laisse encore se nourrir qu’avec modération. Je pense qu’ils partiront bientôt pour le Chalet.
Le soir on a fait avec Jean[9] une grande partie de chasse des plus animées.
Mme Trézel[10] repart ce soir pour Saint-Claude ; elle va un peu mieux qu’en arrivant mais elle ne se ménage pas encore comme elle devrait ; Henri[11] est charmant, d’une sagesse exemplaire ; ce n’est plus du tout l’enfant nerveux que tu connaissais. Il déjeune tout seul avec nous ce matin et c’est la 3e fois, il se tient et parle comme un grand garçon. Jean est aux petits soins avec lui et le soigne aussi bien que sa mère.

Adieu Père chéri, j’entends le sifflet du déjeuner auquel mon estomac répond avec enthousiasme, je t’embrasse donc bien vite et aussi fort que je t’aime.
Quel jour nous arrives-tu ?


Notes

  1. La famille Milne-Edwards.
  2. Ange Louis Guillaume Lesourd-Beauregard.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Edmond Frémy.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  7. Marthe Pavet de Courteille.
  8. Jeanne Brongniart.
  9. Jean Dumas. On chasse les rats dans la ménagerie.
  10. Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel.
  11. Henri Trézel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 12 mai 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_12_mai_1879&oldid=42475 (accédée le 5 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.