Mardi 13 mai 1879
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 13 Mai 1879.
Mon Père chéri,
Me voilà encore ce matin et cela t’étonne n’est-ce pas, car il n’y a guère longtemps que je t’ai écrit mais je t’annonçais une journée très occupée et il faut maintenant que je t’en vienne rendre compte d’autant plus que son issue a été très satisfaisante.
Tu sais que depuis longtemps ma vilaine dent du fond avec sa joue soudée et son abcès continuel qui ne faisait qu’augmenter tourmentait beaucoup oncle et tante[1] ; toi-même tu étais venu avec nous chez le dentiste[2] qui après l’avoir examinée avait dit que cependant je pouvais la conserver. Mais tante y repensait toujours et voulait me mener chez M. Gosselin[3]. Hier donc nous y avons été à 1h, il a dit qu’il était urgent d’enlever au plus vite cette dent, qui aurait dû l’être depuis longtemps, que c’était détestable d’avoir une inflammation continuelle et que l’os déjà commençait à s’attaquer légèrement. Que notre dentiste s’était grossièrement trompé && Tante alors lui a demandé s’il connaissait un dentiste particulièrement adroit et il nous a indiqué donné une adresse avec un petit mot pour le M. Goldenstein[4], place de la Madeleine auquel il nous envoyait. En sortant de là (il était 2h) nous avons été chez les dames Berger[5] que nous n’avons malheureusement pas trouvées puis chez Mmes Clavery[6], Allain[7] et Lafisse[8], il était 4h1/2 mais j’aimais mieux aller le soir même chez le dentiste pour en finir ; nous y arrivons donc mais et le domestique nous dit que M. ne reçoit que jusqu’à 4h, tante alors lui demande un rendez-vous et lui fait passer un le petit mot de M. Gosselin sur lequel il indiquait l’urgence de l’opération ; puis au bout d’un instant nous voyons arriver un M. décoré qui nous dit qu’il va nous recevoir tout de suite ; il regarde ma dent, dit que je l’ai en effet fort malade mais que dans ces cas-là les dents adhèrent fortement à l’os et que cependant il ne voulait pas m’endormir (ce à quoi du reste j’étais formellement opposée) car c’est toujours un peu dangereux ; il a donc pris un moyen terme, il m’a engourdi seulement la joue et la mâchoire sans que je le sente car j’étais aussi bien moi que de coutume et il m’a arraché ma dent sans me faire le plus petit mal, j’ai seulement senti qu’on me tirait fortement, de sorte que je suis dans le ravissement de mon dentiste et dans le ravissement que ce soit fini. Je dois y retourner Jeudi mais cela se raccommode très bien et je pense que bientôt ma pauvre joue sera guérie. C’était bien ma dent qui m’amenait ces abcès car les racines comme le dentiste nous l’a montré étaient toutes baignées de pus.
Voilà mon Père chéri ma longue odyssée et je suis sûre que tu en seras bien content comme tante et oncle et moi et tout le monde car quoique ce ne soit pas grand chose cela aurait peut-être fini par devenir quelque chose de sérieux. Je suis sûre que tu partageras mon admiration pour le procédé américain qui m’a si bien réussi et que je souhaite à tout le monde maintenant. Ce dentiste nous a beaucoup plu et je pense que nous allons y retourner maintenant. 4 pages remplies d’une dent, mon Père chéri, c’est un peu trop mais j’ai pensé qu’il valait mieux te faire assister tant bien que mal à la journée complète. Du reste je suis bien contente que tu n’y aies pas été réellement car cela t’aurait peut-être fait plus d’effet qu’à moi ; il paraît que je n’ai pas changé de couleur une minute.
[ ] chéri ; nous attendons tous les jours une lettre de toi nous annonçant ton arrivée, en attendant je t’embrasse de toutes mes forces.
ta fille brèche dent
Marie
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Ernest Pillette.
- ↑ Léon Gosselin.
- ↑ Simon Goldenstein.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger, et ses filles Marie, Hélène (et Julie ?) Berger.
- ↑ Amica Le Roy de Lisa veuve d’Amédée Clavery et/ou sa belle-fille Marie Philiberte Ferron, épouse de Paul Clavery.
- ↑ Alice Lebreton, épouse d’Émile Allain.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 13 mai 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_13_mai_1879&oldid=61639 (accédée le 4 novembre 2024).
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