Jeudi 9 octobre 1862
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à sa sœur Aglaé, épouse Milne-Edwards (en voyage de noce en Suisse)
Paris
9 Octobre 62
Ma chère petite Gla,
Quel plaisir me font tes lettres et combien tous les détails que tu me donnes m'intéressent. Merci, merci, ma petite sœur, pour l'exactitude que tu mets dans ta correspondance avec moi et merci encore plus pour l'affection que tu me conserves au milieu de tes nouvelles joies. Mais qu'Alphonse[1] n'en soit pas jaloux, Nous seront toujours les meilleurs amis des deux, et par cela seul nous ne voudrions rien voler de ce qui lui appartient. Mais chacun peut être content. On peut tout donner et ne rien enlever pour cela aux vieilles affections ; c'est ce que tu as compris, ma Chérie, et ce dont nous sommes tous bien heureux.
Notre voyage a été raccourci de quelques heures. Papa[2] s'est réveillé Mardi matin tout souffrant, il avait eu la veille les pieds mouillés et c'est ce à quoi nous avons attribué son indisposition. Nous avons donc abandonné notre projet de nous arrêter à Rouen et nous sommes revenus directement du Havre. Aujourd'hui papa est presque tout à fait bien ; il est déjà allé hier à la bibliothèque[3] et se dispose à continuer ses affaires. Julien[4] a repris sa tournure d'étudiant, le farniente du touriste est laissé pour la plus grande gloire de l'écolier. Maman[5] et moi continuons à payer et régler, nous sommes l'or. Nous ne retournerons que Samedi au Cottage[6] < >
Alfred[7] a écrit de très bonne humeur à maman, il dit avoir reçu une charmante lettre d'Alphonse et nous demande votre adresse pour lui répondre
Hier nous avons été voir ta nouvelle famille[8], tout le monde va bien si ce n'est encore un peu de fatigue. M. Edwards[9] revient de Bordeaux où il est allé acheter quelques petites ou grosses bêtes.
Les enfants de Louise[10] sont mieux, on a mis le petit à la viande crue, ce qui paraît lui convenir. Cécile[11] n'a pas, comme toi, la verte mousse pour se reposer au milieu du calme des bois, aussi les cris des mioches l'empêchent-ils de dormir ; mais le 15 elle aura la chambre de la tante. Tout le monde a été très aimable, et je me propose avant de partir d'aller passer un bon moment, avec mon ouvrage chez ces demoiselles ou dames plutôt. Cécile m'a demandé le devis de ton trousseau mais il est à Montmorency je n'ai pas pu le lui donner.
Amélie[12] est encore aux Roches. Constance[13] a été passer 3 jours à Bougival elle doit être de retour d'hier soir.
M. Mertzdorff[14] est à Paris ; si nous le voyons je lui remettrai, de ta part, les petites chaînes pour les fillettes[15]. Que ce voyage de Paris est triste pour lui. Nous avons écrit du Havre à Mme Constant[16]. Si tu veux que je fasse quelque chose pour toi avant ton retour, écris-le nous. Nous allons nous occuper un peu de nos affaires car le bord de la mer a perdu jupons et robes ; cependant je ne veux rien acheter sans toi, aussi je vais retaper le vieux.
Je te suis par la pensée. Tu devines combien tes deux dernières lettres m'ont intéressée. La description de votre appartement et le récit des bouquets offerts et la petite fille tout cela m'a beaucoup amusée. Continue à m'écrire, tes lettres ne sortent pas du cénacle. Maman et papa me chargent de te dire que tu leur fait plaisir en t'adressant à moi et que s'ils ne s'adressent pas directement à toi c'est que je suis chargée d'être leur interprète aussi ce griffonnage doit te porter tant de choses affectueuses, tendres de la part de nous tous que je ne cesserais de griffonner si j'écoutais nos cœurs.
Louise de chez M. Auguste se marie le 18, elle a gagné son procès et a loué rue Lacépède 5 < > elle est donc à ta disposition et compte sur ton ménage. Ce sera bien agréable pour toi. Nos braves gens ont tant nettoyé en notre absence. Mets quelque chose d'aimable pour eux que je puisse leur lire dans une de tes lettres.
Adieu, ma bonne chérie, voilà l'heure qui me gagne, je vais m'habiller puis nous sortirons ; depuis que je t'écris on m'a dérangée je ne sais combien de fois, aussi mon griffonnage réclame l'indulgence.
Encore de bonnes amitiés pour toi et ton cher mari. Sœur amie
ton Eugénie
Les adresses d'Alphonse me plaisent infiniment c'est la bonne mesure ainsi continue à lui laisser cette grave occupation.
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ La bibliothèque du Muséum, dont il est le secrétaire.
- ↑ Julien Desnoyers, jeune frère des correspondantes.
- ↑ Jeanne Target.
- ↑ A Montmorency.
- ↑ Alfred Desnoyers, frère aîné des correspondantes.
- ↑ Le famille Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards, père d’Alphonse, naturaliste.
- ↑ Louise Milne-Edwards, sœur d’Alphonse, épouse de Daniel Pavet de Courteille ; leur fille Jeanne est née en 1861 et leur fils Alphonse en 1862.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, sœur d’Alphonse ; elle doit se marier à la fin de l’année.
- ↑ Amélie Desmanèches, épouse d’Emile Delapalme.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
- ↑ Charles Mertzdorff, veuf de Caroline Duméril.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, filles de Charles.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant, mère de Caroline.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 9 octobre 1862. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paris) à sa sœur Aglaé, épouse Milne-Edwards (en voyage de noce en Suisse) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_9_octobre_1862&oldid=40187 (accédée le 18 décembre 2024).
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