Lundi 6 octobre 1862
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Le Havre) à sa sœur Aglaé, épouse Milne-Edwards (en voyage de noce en Suisse)
Lundi soir
6 Octobre 62
Je suis si sûre, ma chère petite Gla, que tu es impatiente d'avoir des nouvelles de notre traversée que je n'attendrai pas notre retour à la capitale pour te griffonner quelques lignes.
Mais rassure-toi, tu aurais pu être des nôtres sans avoir à le regretter, la mer était aussi calme que le lac d'Enghien ou de Genève et personne n'a été malade pas même papa[1] auquel il fallait des raisons majeures pour se confier à l'élément inhospitalier qui lui avait laissé ainsi qu'à toi de si tristes souvenirs.
Je ne te parle plus poste, adresse, j'espère que tu as nos lettres et que tu ne nous accuses plus d'oubli. Oh ! la vilaine de ne plus croire en de vieux et vrais amis comme père, mère[2] et sœur ; Et à toi petite Dame chérie, que te dirais-je ? Que tes lettres sont charmantes et que tu n'as qu'à continuer à nous écrire comme tu as commencé pour que nous soyons tous contents.
Ainsi griffonne sans t'inquiéter de rien ; il est établi que tes lettres sont mon bien.< > ça mon maître. Je sais bien qui est bienheureux en ce moment. et comme ce quelqu'un[3] a droit à mon affection fraternelle je voudrais lui dire quelque chose de bien convenable. Si je lui disais que nous avons entière confiance en lui et que nous ne doutons pas un instant qu'il ne fasse tout pour le parfait bonheur de notre petite Gla et que nous ne doutons pas qu'il ne soit parfaitement heureux lui et elle. Il me semble que voilà une petite phrase qui sera de votre goût à tous deux, Qu'en pensez-vous ? Si je me suis trompée dites que la petite sœur ne vous connaît plus.
Journal, car je crois que tu aimes bien aussi savoir ce que nous faisons. Je t'ai quittée Samedi avant ou après une promenade à la côte de Grâce. Dimanche 8 1/2 du matin, messe. 10 Départ de Honfleur par le bateau à vapeur, mer superbe, soleil magnifique, temps délicieux (nous n'avons pas eu un instant de froid au bord de la mer). 10 1/2 arrivée au Havre. En l'honneur de la St Michel il y a foire et par suite grand mouvement ce qui donne à la ville une vraie tournure parisienne. Nous trouvons à déjeuner et à nous installer dans un bon hôtel, à midi nous commencions nos excursions par le musée, puis une fois ce tribut payé à l'histoire naturelle et aux arts nous nous dirigeons vers les ports où nous passons le reste de la journée ; jusqu'à l'heure du dîner s'entend, car nous soignons nos petites personnes et comme le roi d'Yvetot se couchant tôt, se levant tard, et faisant ses 4 repas. Plusieurs bâtiments ont été honorés de notre visite et Julien[4] est maintenant de première force sur les beauprés, misaines, perroquets, huniers, cacatois, enfin le petit voyage aura profité au jeune homme qui a repris assez bonne mine pour que nous puissions le laisser reprendre ses travaux habituels sans inquiétude. Aujourd'hui nous sommes montés aux phares et nous sommes revenus par la plage, je ne te fais pas des descriptions exactes de la ville du Havre parce que je pense que ça t'est bien égal, mais ce qui ne t'est pas égal c'est d'avoir de nos nouvelles et de penser que nous aimons autant M. Alphonse Milne Edwards que la petite Gla. Ecris-moi ; tu sais il faut que tes lettres me tiennent lieu de beaucoup. Maman t'embrasse bien tendrement. Je suis chargée aussi par papa et Julien de tant de choses que je n'en finirais pas. Il est 8 h et on me presse tu peu facilement t'en apercevoir mais pour toi tout est bon
ta fidèle amie ED <je s>
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 6 octobre 1862. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Le Havre) à sa sœur Aglaé, épouse Milne-Edwards (en voyage de noce en Suisse) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_6_octobre_1862&oldid=40598 (accédée le 21 novembre 2024).
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