Jeudi 3 novembre 1881 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Si je ne t’ai pas écrit hier, mon cher papa, c’est que je tenais à le faire aujourd’hui afin que tu reçoives au moins une lettre de tes filles[1] le jour de ta fête[2] puisqu’elles ne peuvent pas aller elles-mêmes t’embrasser. Ta lettre nous a tous bouleversés ; est-il bien vrai que notre pauvre petite Hélène[3] est malade ? est-on réellement inquiet ? Comme ses parents[4] doivent être malheureux ; je ne cesse d’y penser et d’en parler. Je comprends bien que bonne-maman[5] n’ait pas pu se décider à quitter sa petite-fille hier soir ; je ne sais pas si bon-papa est arrivé ce matin. Nous devons passer chez lui tout à l’heure pour avoir des nouvelles de tout le monde et voir si nous ne pouvons pas lui être utile. J’espère qu’étant seul, il ne refusera pas nos services.

Quel long voyage tu as fait mon pauvre père, et combien tu devais être fatigué en arrivant. Tu n’as vraiment pas eu de chance de n’avoir pas pu entendre les orgues à Fribourg cela aurait fait paraître le temps un peu moins long. Que le pauvre M. Cornu[6] doit s’ennuyer à Berne ! Il faut avouer que ce n’est pas drôle de se séparer ainsi à peine est-on marié, et surtout de laisser sa femme encore souffrante. Je recevais une lettre de Jeanne[7] en même temps que la tienne ; elle n’a pas l’air encore bien vigoureuse mais elle paraît pourtant assez en train et se réjouit de voir revenir son mari. Elle espère que ce sera pour la semaine prochaine.

Il arrive à l’instant une dépêche de Marie[8] annonçant que bon-papa et bonne-maman sont chez elle et paraissent être moins inquiets que toi au sujet d’Hélène. N’ayant pas trouvé de place à l’hôtel ils vont prendre gîte rue Cassette.

Marie va tout à fait bien et il paraît que Jeanne[9] est de même, mais nous ne l’avons pas encore revue depuis Lundi. Elle commence à percer une 5e dent. Ta petite-fille est décidément un enfant remarquable.

Nous avons déjà fait pas mal de choses depuis notre retour grâce à l’activité de tante[10]. Hier après avoir rangé toute la matinée dans la maison, nous sommes allées chez Marie puis chez Mme Roger[11] où j’ai organisé mes leçons de chant, ensuite au Bon Marché12 et enfin chez Paule[12]. Ils sont très occupés en ce moment du mariage de M. Pierre[13] qui aura lieu à la fin du mois et de l’examen d’Edmond[14] qui se passera à peu près à la même époque.

Adieu père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur, encore plus fort que d’habitude puisque c’est ta fête. Tiens-nous bien au courant de la santé d’Hélène, n’est-ce pas, c’est si pénible de savoir quelqu’un malade.

Émilie

Bon-papa et bonne-maman Desnoyers[15] reviennent aujourd’hui de Launay. Nous irons les attendre à 3h à la gare Saint-Lazare.

Oncle Alfred[16] va repartir d’ici à quelques jours pour les Landes.

Sais-tu que tu avais mis 2 timbres superposés sur ta lettre ? l’un français de 25 centimes et un allemand par-dessus. Ils se sont décollés très complaisamment et comme le français n’est pas biffé je compte bien m’en resservir.

Hier soir a eu lieu le 1er dîner de famille. Marie n’a pas craint d’y venir malgré le froid.


Notes

  1. Émilie et Marie Mertzdorff-de Fréville.
  2. Saint-Charles est fêté le 4 novembre.
  3. Hélène Duméril, atteinte de fièvre typhoïde.
  4. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Maxime Cornu.
  7. Jeanne Brongniart, épouse de Maxime Cornu.
  8. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d'Emilie.
  9. Jeanne de Fréville.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
  12. Paule Arnould.
  13. Pierre Arnould, qui épouse Alice Forest.
  14. Edmond Arnould (fils).
  15. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  16. Alfred Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original.