Jeudi 3 juin 1869 (B)
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Jeudi <2 h>
Mon cher Charles,
Je tiens à t'écrire tous les jours et je n'ai aucun évènement à te conter, aussi je commence à craindre que mes lettres ne te paraissent bien monotones et insipides. Nos plus grands évènements ? toujours les bêtes qui y jouent le premier rôle ; hier 2 petites mésanges dénichées qu'on apporte à l'oncle Alphonse[1] mais les pauvrettes refusent de manger le ver blanc qui leur est offert, aussi les bons cœurs décident que les deux pauvres oiseaux seront reportés dans leur nid. Voilà Oncle Alphonse et Mimi[2] qui les remettent dans leur trou du vieux prunier, et quelques minutes après Mimi vient nous rapporter que les petits ont appelé les parents qui ont répondu du haut du cerisier voisin, et les enfants se sont mis à voleter vers le même point. Aujourd'hui, c'est un nid de verdier déniché par Ambroisine[3] qui pourrait avoir les honneurs du récit. Mais trêve à ces narrations champêtres, nous allons rentrer à la capitale et bientôt dans notre Vieux-Thann. Jean[4] est encore un peu souffrant, je le garde dans la bibliothèque avec nos fillettes[5] ; le temps est de nouveau pluvieux. Aglaé[6] est avec Alphonse sur la butte. Tout à l'heure j'irai à mon tour avec mes fillettes pour montrer à Michel[7] l'ouvrage à faire. Nous ne partirons que Samedi à midi 37 pour Paris. Alphonse s'en va ce soir et demain, nous rangerons et ferons nos paquets. Samedi nous dînerons chez M. Edwards[8]. J'ai lu avec intérêt mon petit industriel, quoique tous les jours je lise en conscience le Figaro. Je te remercie pour toutes tes bonnes lettres, je les lis et relis.
Tu es bien occupé toi, mon cher Ami, toujours occupé des choses publiques, des écoles, de tes administrés &. Et pour Wattwiller qu'a-t-on décidé ?
J'ai reçu ce matin une lettre d'Emilie[9], bien aimable, rien de particulier, seulement criant toujours misère. J'ai écrit à bonne-Maman Duméril[10]. Mes petites filles sont charmantes mais je ne puis rien leur faire faire.
Jean appelle sa chérie, il demande à manger. Au revoir mon cher Ami.
6 h
Le notaire sort d'ici, il vient fort gracieusement m'apporter le projet de bail[11] que j'emporterai à Paris.
Aujourd'hui je ne puis pas avoir de lettre de toi ne l'ayant pas envoyée chercher et puis je pense que tu n'auras pas eu le temps de nous écrire.
Petit Jean est encore un peu souffrant, nous faisons demander le médecin, il joue, chante siffle mais trouvons qu'il a un peu de dysenterie et avant d'administrer un lavement au laudanum ou pavot nous aimons mieux avoir un bon conseil. Tu vois ce n'est rien qui puisse nous empêcher de partir, tout le reste de la colonie va bien.
Mille amitiés au cher Mari
Ta Nie
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Mimi, Marie Mertzdorff.
- ↑ Ambroisine Brouard, domestique chez Louis Michel Pieaux, jardinier des Desnoyers.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louis Michel Pieaux, jardinier chez les Desnoyers.
- ↑ Henri Milne-Edwards
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Bail pour la ferme de Launay, attribuée à Michel Victor Ménager.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 3 juin 1869 (B). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_3_juin_1869_(B)&oldid=40064 (accédée le 18 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.