Jeudi 3 juin 1869 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris)
CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]
Ma chère Nie
En rentrant hier au soir j'ai fait une visite à notre malade[2] qui s'est enfin décidé à demander l'avis de Conraux. C'est la goutte & rien que cela, mais cela le retient toujours au lit, impossible de se mettre sur ses pieds. Je prévois qu'il en a encore pour un bout de temps, que personne ne peut apprécier. L'on dépend les uns des autres. Notre départ s'est déjà fait dans des conditions peu favorables & voici encore pour la rentrée une autre anicroche. Rien ne souffre par l'absence de Georges grâce à M. Jaeglé qui fait la besogne en grande partie.
Fatigué hier au soir, je n'ai pas eu le courage de t'écrire & me suis couché de bonne heure. Du reste les soirées, nuits & matinées sont si fraîches que l'on a froid. L'on prétend même qu'il s'en fallait de 1-2 degrés pour avoir de la gelée. Hier le temps était assez beau, beau aujourd'hui sans trop de chaleur. Il est temps que le soleil vienne un peu réparer les dégâts des pluies continues, l'on commençait à être inquiet pour les récoltes se présentant si bien.
Dans la maison rien de nouveau, pas plus dans les usines, le voisin de Wesserling m'assurait hier que le blanchiment ne travaille qu'au 1/4. nous c'est 1/2. Morschwiller un peu plus. Voilà le bilan du blanc.
Je reçois ta lettre de Mercredi matin. Vous quittez Demain Vendredi, c'est au mieux ; vous aurez ainsi quelques jours avant mon arrivée. Je compte quitter Lundi soir pour vous arriver Mardi matin. Si je suis sans l'oncle, je ne resterais que 8 jours au plus 10. Ce qui vous fera en tout 15 jours je pense que pour ce que tu veux faire, ce temps te sera suffisant. En voudrais-tu davantage je retarderais de quelques jours moi-même mon départ. Tu comprends que lorsque l'on travaille aussi mal que nous le faisons aujourd'hui, que tous les jours il faut créer de la besogne pour ceux qui n'en ont pas, l'on a plus besoin d'être là. Les vacances se donnent, pour nous autres, lorsque tout va bien & c'est rare.
Vous n'avez aucune nouvelle d'Alfred[3] ? Le pauvre garçon est encore tenu plus que moi, qui suis mon chef.
Si je vous manque à toutes trois, vous savez au moins que mon carême ici est plus rigoureux, il me tarde de vous revoir ; Mais surtout de vous ravoir ici. Car loin d'ici j'aurai toujours ma boutique malade, qui me tracassera.
Je ne fais mes fins de mois que le 15 mais je prévois que ce n'est pas gai. Mon portefeuille a encore diminué de 50 mille francs. C'est plus raide que je ne pouvais le supposer. Il faudra probablement renvoyer du monde, tu sais que pour moi c'est très très dur. De tout cela, la morale ? Qu'il vaut mieux être professeur que blanchisseur.
Le décorateur de chêne va finir aujourd'hui, mais l'autre n'est pas encore venu, je vais me décider à réparer les accrocs replâtrés & laisser les peintures.
L'on déménage partie de ma bibliothèque pour faire place à l'armoire de joujoux & faire nettoyer ces 2 pièces.
La présente te trouvera à Paris[4], tu voudras bien Embrasser tout ton entourage pour moi.
tout à toi
Charles
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Madame Mertzdorff
Chez Monsieur Desnoyers
membre de l'institut
57 rue Cuvier
jardin des Plantes PARIS
Pour citer cette page
« Jeudi 3 juin 1869 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_3_juin_1869_(A)&oldid=40063 (accédée le 15 novembre 2024).
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