Jeudi 25 et vendredi 26 octobre 1877

De Une correspondance familiale



Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1877-10-25 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-10-25 pages 2-3.jpg


26/10/77

Ma chère Marie

De ce matin Jeudi vos deux lettres[1] sont au Moulin. Bonne-Maman[2] est de nouveau prise d’un peu de dérangement mais aussi elle sort par tous les temps & à toutes les heures, sans compter qu’elle fait tout à la maison pour ne pas fatiguer les bonnes petites. Une ou deux journées de repos & il n’y paraîtra plus. Bon-papa par contre est toujours infatigable dans ses promenades, il vient régulièrement matin & soir faire sa petite visite à Marie[3].
Mme Stackler[4] attendait, pour passer quelques jours avec elle, Mlle Oberlé[5] qui ne peut venir, ayant son frère[6] très malade ; le dîner de dimanche projeté est donc remis.  

Cet après dîner j’étais avec Oncle Georges[7] à l’Ochsenfeld[8] où nous n’avons trouvé personne. M.Alphonse[9] était à la chasse, ce qui ne nous a pas empêché de visiter en assez de détail la ferme où il règne un ordre & une propreté bien digne de la Hollande.
C’est te dire que nous avions aujourd’hui belle & bonne journée. J’aurais bien aimé continuer mes visites jusqu’à Wattwiller mais n’étant pas seul j’ai dû rentrer & j’ai bien fait car l’on m’attendait pour la fabrique.

La copie que j’ai fait faire de la peinture à fresque de l’Église de Vieux-thann est à peu près terminée ; elle n’est pas trop mal & l’artiste, qui est comme la Cigale, viendra un de ces jours réclamer le solde de sa peine.
Mais où va-t-on mettre cet objet d’art ? c’est une question que je t’adresse car je ne vois pas trop de place convenable à l’Église, ni pour la maison. ?? As-tu une idée.
Je viens de demander une brochure imprimée à Strasbourg sur ce même sujet & me propose de te la porter à mon prochain voyage. l’histoire de mon village a bien quelque intérêt pour ma fille ?

Émilie m’a fait bien plaisir en me donnant de bonnes nouvelles de Mme Dumas[10]. Quant à Jeannot[11] je ne m’étonne pas qu’il aime son collège[12], il y trouve de ses semblables en culottes, cela le fait sortir des jupons.

J’ai eu dimanche la visite du vieux Hans[13] dont tu peux encore te souvenir soit d’ici soit de Morschwiller. Il ne peut plus travailler, dit-il, & mon intention est de le mettre à Colmar, dans la maison des petites sœurs.
Sœur Bonaventure m’a fait dire qu’elle n’avait pas de pommes de terre, mais cette année nous en avons si peu que je ne puis songer à lui en donner. Depuis je sais qu’elle a trouvé de l’argent pour commencer sa provision. j’attends la rentrée des Henriet pour faire ma visite à l’orphelinat, je crois qu’elle est souvent souffrante & si elle ne devait plus avoir la santé de s’occuper comme elle le fait, de cet œuvre, je ne vois pas comment il pourra continuer à exister.

Vendredi martin. J’ai passé ma soirée avec Léon[14], Marie & sa mère qui tout naturellement se trouve souvent avec ses enfants. Marie a fait de la musique, elle a un très joli talent, car c’est la première fois que je l’entends & sa mère a bien voulu accompagner sa fille à 4 mains. Il était 10 h lorsque Mme Stackler est rentré chez elle…

Il a plu cette nuit & il pleut ce matin, tant mieux car l’Eau était rare surtout à la veille de l’hiver qui est à la porte. Ce sera le moment de mettre les doubles fenêtres dont je me suis privé l’hiver dernier & sans regret, car il était doux & que ce calfeutrage n’a rien d’agréable lorsqu’il ne fait pas froid.
Par contre je laisse les tapis, depuis des années dans leurs caisses & ils y resteront.

L’usine va bien, rien de désagréable de ce côté ; nous pouvons nous considérer comme privilégiés lorsque nous nous comparons à d’autres, aussi parle-t-on de transformer certaines indienneries en blanchisseries, l’on a toujours des envieux.

Tu vois que notre vie ici est bien tranquille ; les grandes distractions sont rares. Cependant j’ai de grands reproches à me faire de ne pas encore été chez les Berger qui sont toujours si aimables.

Je vois avec plaisir que tes terreurs pour M. Flandrin[15] se sont envolées & que c’est avec assez de plaisir que tu vas prendre tes cours. J’aurais bien de belles choses à admirer à mon prochain voyage ?

Je t’embrasse comme je t’aime & tu sais comme je l’entends ? [car c’est] bien gros. tout à toi
ChsMff
Embrasse Tante & Oncle[16].


Notes

  1. Lettres de Marie et de sa sœur Émilie Mertzdorff.
  2. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (« bon-papa »).
  3. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  4. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  5. Clémentine Oberlé.
  6. Clément Fortuné Oberlé.
  7. Georges Heuchel.
  8. Charles Mertzdorff possédait une ferme dans l’Ochsenfeld, achetée par les Zurcher.
  9. Alphonse Zurcher.
  10. Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  11. Jean Dumas.
  12. Collège Stanislas à Paris.
  13. « Hans » est possiblement un prénom, car aucun décès de M. Hans (nom de famille présent dans l’état-civil) ne semble mentionné dans les années suivantes à Vieux-Thann, Morschwiller, Thann ou Colmar.
  14. Léon Duméril.
  15. Paul Flandrin donne des cours de dessin à Marie Mertzdorff.
  16. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 25 et vendredi 26 octobre 1877. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_25_et_vendredi_26_octobre_1877&oldid=55868 (accédée le 29 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.