Jeudi 16 décembre 1880

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1880-12-16 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-12-16 pages 2-3.jpg


Paris 16 Décembre 1880.

Quelle bonne et agréable surprise nous avons eue hier au soir, mon Père chéri ! nous ne nous attendions nullement à recevoir à cette heure-là une lettre de toi lorsque j’aperçois sur la table de l’antichambre ta chère écriture ! bien vite je suis montée avec ma petite lettre et sans nous donner le temps d’ôter nos chapeaux nous l’avons lue tous les deux[1] ensemble à la lueur de notre bougie. Tu es vraiment bien bon de nous écrire si souvent et je t’assure que tu nous fais bien plaisir. Je ne vois malheureusement pas Émilie[2] aujourd’hui mais demain je lui porterai les bonnes nouvelles de notre cher Papa.

Je t’écris dans mon petit salon éclairé par un vrai soleil de printemps ; nous venons après notre déjeuner de faire plusieurs tours de jardin[3] et je me suis même assise quelque temps dehors pendant que Marcel donnait du pain aux petits oiseaux, c’est vraiment charmant d’avoir ainsi à Paris un jardin à soi ; plus nous allons et plus nous l’apprécions. Quand petit bébé[4] sera là il nous sera plus précieux encore, je suis sûre qu’il y passera ses journées, nous sommes trop gâtés et bien bien heureux.

Hier j’ai été faire visite à Mme Roger[5] pendant la leçon d’Émilie puis j’ai accompagné tante[6] et Émilie chez M. Flandrin[7] où nous avons laissé monter la jeune artiste et j’ai ramené tante ici où elle a bien voulu regarder avec moi les rideaux rouges que tu m’as donnés à Vieux-Thann et que je vais employer pour ta chambre et la petite bibliothèque ; j’espère, quoique les rideaux soient bien trop courts que je trouverai mes 3 fenêtres et le lit ; je vais faire faire ce travail ici par une ouvrière afin d’agir le plus économiquement possible. Il ne reste plus du tout n’est-ce pas de cette étoffe à Vieux-Thann ; si par hasard il restait y avait encore quelques draperies du haut qui ne soient pas trop fanées tu serais bien aimable de me le dire car je vais être forcée de sacrifier un des petits rideaux de l’alcôve à faire des garnitures afin de cacher la partie rallongée.

Je profite comme tu vois du temps calme et tranquille que j’ai encore devant moi pour faire tous ces petits arrangements. Hier encore j’ai eu la bonne visite de notre mère[8] et de Louise[9] avec toute sa bande, les enfants sont restés dans le jardin pendant que leur maman gardait en haut le petit bébé[10]. Le soir nous avons dîné au Jardin. Aujourd’hui je ne bougerai pas, c’est Jeudi, et je dois être là pour recevoir les visites ; la semaine dernière j’en ai eu trois ! Je te plains bien mon pauvre Père d’avoir à t’occuper de tant de choses ennuyeuses, je n’aurais certes pas voulu écrire les trois lettres dont tu me parles ; je ne connais pas encore ces sortes de choses désagréables ce dont je me réjouis bien et je fais des vœux pour n’avoir pas trop à goûter de tous ces petits ennuis.

Adieu, mon cher Papa, je t’embrasse de tout mon cœur en te remerciant encore de ta lettre.
ta fille Marie.

Marcel joint toutes ses amitiés aux miennes.
Tu ne nous as pas répondu au sujet des obligations de M. le curé[11].
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[12].
Tu ne nous as rien dit non plus au sujet de la somme que tu voulais mettre au cadeau à faire à M. d’Arleux[13].


Notes

  1. Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Le jardin du pavillon de la rue Cassette.
  4. Jeanne de Fréville naîtra le 19 mars 1881.
  5. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Paul Flandrin, professeur de dessin.
  8. Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
  9. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre et mère de Louis, Etienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
  10. René Barbier de la Serre.
  11. Le curé de Vieux-Thann, Louis Oesterlé (Voir la lettre du 8 décembre).
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. M. Morel d’Arleux ?

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 16 décembre 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_16_d%C3%A9cembre_1880&oldid=59305 (accédée le 15 novembre 2024).

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