Jeudi 14 avril 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville (Paris)

original de la lettre 1881-04-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1881-04-14 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann 14 Avril 81.

Ma chère Marie quoique je vienne d’écrire à ta sœur[1] je tiens à ce que tu saches le plaisir que m’a fait ta bonne petite lettre. Que j’ai donc de bonheur de savoir que tu circules dans ta maison & que bébé[2] va déjà se chauffer au bon soleil qu’il fait depuis quelques jours.

Nous avons un peu de pluie de temps à autre cependant le soleil domine & comme il est déjà chaud & agréable il y a du plaisir à voir les Jardins, qui sont blancs de fleurs de toute espèce poiriers, magnolias, marguerites, violettes, pervenches, etc. tout vient se chauffer. Quant au Rossberg[3] il est déjà d’un beau vert & n’a plus que sa petite place de neige, que tu connais bien & qui va durer encore bien un mois.
Cette vie nouvelle réjouit tout & donne aux vieux un petit [  ] de printemps

Marie B.[4] m’a beaucoup remercié & parlé de l’encrier que tu lui as donné & qui paraît a fait grand plaisir ; je ne lui ai parlé qu’un petit instant étant venu chez moi avec sa mère[5] & son fiancé[6]. L’on dit que le garçon est très entendu, travailleur & qu’il s’est mis à la besogne avec courage & c’était nécessaire car autrement la machine se fondait. M. B.[7] ne suffisant plus c’est qu’en effet dans toutes les parties de l’industrie l’on rencontre de rudes lutteurs qui tous veulent la meilleure part au gâteau. Nous éprouvons aussi bien plus de difficultés que dans le bon vieux temps d’autrefois ! Je suis convaincu du fait de plus grandes difficultés, & cependant nos pères & grands-pères parlaient absolument comme moi ; il faut croire que c’est l’âge qui vous fait faire ce faux raisonnement & que l’on croit cependant si vrai.
En effet vieux tout est plus difficile & je l’éprouve tous les jours.

Bien certainement que j’aurais grand plaisir à vous suivre rueCassette ta sœur t’aura quittée dès hier de sorte que te voici toute seule à diriger ton petit trésor qui déjà était si gentil de bon naturel car jamais je n’ai vu un petit être donnant moins de peine & certes sa petite maman ne lui avait pas donné le bon exemple, il faut croire que ce n’était pas de sa faute & que c’est la détestable femme Cornely[8] qui en est seule cause ; ce dont je ne me doutais certainement pas dans le moment.
Si l’on réussit à te laisser dormir la nuit, & si le bon appétit continue il n’y aura aucun inconvénient à te voir être nourrice & bien bonne nourrice. Pense à ta bonne mère chérie[9] que nous avons laissé faire plus qu’elle ne devait & plus qu’elle ne pouvait, faute payée bien chère & que il ne faut pas sa fille ne doit pas oublier.
Le grand événement du village, les noces de ton amie M B.[10] s’annonce magnifiquement pourvu qu’ils aient beau temps comme aussi nos chers voyageurs à Launay[11] pour lequel l’on se réjouit bien & si toi tu pouvais encore être de la partie, elle serait tout à fait complète. En somme je ne te plains pas, car tu es en fête depuis 3 semaines & une belle fête qui va durer, espérons sans trop de petits nuages. Je me réjouis déjà des changements que je trouverai lorsque je reverrai Jeanne.

J’ai trouvé pas mal de besogne ici, jusqu’ici je ne me suis occupé que de mes petites affaires particulières sauf quelques heures consacrées aux visites je n’étais encore ni à la fabrique ni au laboratoire & les heures vont vite & l’on fait peu surtout lorsque l’on ne sait pas, comme moi se décider vite. Tu voudras bien embrasser Marcel[12] pour moi & me croire ton affectionné père
ChsMff

Bon-papa[13] m’a dit qu’ils désiraient quitter vers le commencement de Mai, si tu veux bien les avoir chez toi, il ne faut pas tarder à leur écrire ; cela fera plaisir.


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jeanne de Fréville (« ton petit trésor »).
  3. Le Rossberg culmine à 1 200 mètres entre Thann et Masevaux.
  4. Marie Berger.
  5. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  6. Paul Henri Rich.
  7. Louis Berger.
  8. Marie Véronique Kroepflen, veuve de Dominique Cornelli.
  9. Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff.
  10. Marie Berger.
  11. Alphonse Milne-Edwards, son épouse Aglaé Desnoyers, Émilie Mertzdorff et Marthe Pavet de Courteille.
  12. Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
  13. Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 14 avril 1881. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff et son époux Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_14_avril_1881&oldid=39831 (accédée le 15 novembre 2024).

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