Jeudi 10 et vendredi 11 septembre 1857

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)


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Paris 10 Septembre 1857

C'est faute de temps si je ne suis pas venue causer plus tôt avec toi, ma chère Isabelle, car j'en avais bonne envie, je t'assure, mais j'ai été fort occupée à mon retour et hier j'ai eu toute la journée mes amies[1] qui partent à leur tour en voyage et que je ne reverrai pas avant le mois d'Octobre. Je leur ai raconté tout au long le délicieux séjour que j'ai fait chez ton père[2] et combien tu as été gentille et affectueuse avec moi ; toutes les petites histoires que je leur ai racontées les ont amusées beaucoup mais on prétend que j'ai eu trop de plaisir au Havre[3] et si j'ai la moindre distraction, on ne manque pas de dire : bon, voilà Crol à la Côte et c'est qu'il est bien vrai que j'y suis souvent en esprit ; j'aime tant à me rappeler nos tête-à-tête dans le jardin, nos folles causeries, nos réunions de famille et les taquineries dont j'étais accablée ; tout enfin m'est un agréable souvenir. J'attends maintenant avec impatience le moment de ton voyage à Paris où nous pourrons nous revoir j'espère un peu tranquillement et à notre aise.

Tu as su que nous avons voyagé avec les messieurs Labouchère, décidément Alfred est un bon garçon et ils nous ont été tous deux des compagnons de route fort agréables.

Le jour de notre arrivée nous avons dîné chez bon-papa[4] et Adèle[5] m'attendait avec impatience elle m'a fait bien bon accueil, la chère enfant, et n'a guère quitté mes côtés. Quoique je ne m'y attendisse guère, je suis allée Lundi à l'Opéra voir les Huguenots[6] ; nous avions des places dans une loge donnée à mon cousin M. Devers le peintre ; j'ai beaucoup joui de ce magnifique opéra dont la musique est si belle.

J'ai bien pensé à toi et à tes chers Anglais[7] pendant la journée de Dimanche ; qu'en auras-tu fait ? je suppose que maintenant ils sont de retour dans leurs foyers et ainsi la maison doit être un peu plus calme

Vendredi matin.

Hier j'ai été interrompue dans cette lettre par une longue visite de Mme Rainbeaux[8] et ensuite il a fallu partir pour dîner chez bon-papa ; aussi ce matin je prends bien vite ma plume pour t'envoyer sans plus de retard ce petit bout de causerie qui devrait être près de toi depuis longtemps. Si chaque fois qu'on pense à quelqu'un, la pensée s’écrirait d'elle-même je t'assure que tu recevrais une lettre fameusement longue et qui te prouverait combien sont bons et doux les souvenirs que j'ai emportés du Havre.

Tu seras mon interprète, n'est-ce pas, auprès de ton bon père pour le remercier de toute la jouissance qu'il m'a procurée ; j'aurais voulu à mon départ lui exprimer ma reconnaissance mais je suis malheureusement dans la classe de ces personnes qui savent sentir sans pouvoir en faire part et qui gardent tout pour elles. Dis bien aussi je t'en prie à Mlle Pilet[9] combien son accueil affectueux et ses aimables attentions m'ont vivement touchée, j'y pense bien souvent.

Tu embrasseras bien fort ma chère petite Mathilde[10] pour moi et tu lui raconteras qu'à Paris tout le monde trouve délicieux le mouchoir qu'elle m'a donné et que je garde comme un bien gentil souvenir d'une cousine que j'aime beaucoup. Nous aimons à espérer que ton cher oncle[11] va mieux, n'oublie pas de me donner de ses nouvelles dans ta première lettre que j'attends très prochainement. Je compte bien ne pas être longtemps à te récrire mais dans ce moment je suis fort occupée par ma tapisserie que je veux absolument finir et nous partons, je pense, le 22 pour Montataire[12].

Adieu ma bien chère Isabelle, reçois avec un bon baiser l'assurance de la vive et sincère affection de ta cousine et amie

Crol

Un bon baiser de ma part au petit bonhomme[13].


Notes

  1. Eugénie et Aglaé Desnoyers.
  2. Charles Latham.
  3. Les familles Delaroche, Pochet et Latham habitent Le Havre, dans le quartier dit « La Côte ».
  4. André Marie Constant Duméril.
  5. Adèle Duméril, cousine de Caroline.
  6. Les Huguenots, opéra en cinq actes de Meyerbeer, livret de Scribe, créé à Paris en 1836.
  7. Charles Latham, père d’Isabelle, est d’origine anglaise.
  8. Cécilia Sévelle, épouse d’Emile Rainbeaux.
  9. Gouvernante dans la famille Latham.
  10. Louise Mathilde Pochet, fille de Mathilde Delaroche et Louis François Pochet, est née en 1844.
  11. Probablement Louis François Pochet.
  12. Chez les Fröhlich.
  13. Lionel Henry Latham, jeune frère d’Isabelle, né en 1849.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 10 et vendredi 11 septembre 1857. Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_10_et_vendredi_11_septembre_1857&oldid=57085 (accédée le 13 octobre 2024).

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