Dimanche 6 août1882
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Vieux-Thann Dimanche 6 Août[1]
Tu as dû, ma petite fille chérie, comprendre tout ce qui s’était passé, en recevant hier notre dépêche de Strasbourg. Ton bon père[2], ne voulant pas consulter, mais sur nos instances il a été décidé qu’il le ferait en passant à Strasbourg. Son médecin[3] de Vieux-Thann l’y en avait engagé, et lui avait donné le nom de son professeur[4] qui est une des célébrités du pays. Nous sommes donc partis hier matin avec armes et bagages pour gagner Carlsbad[5], mais les 3 heures que nous passions à Strasbourg ont été bien employées. Nous avons mené ton père chez le médecin, et comme il était déjà à l’hôpital nous l’y avons accompagné. Après avoir eu la certitude qu’il pouvait le recevoir je suis allée avec Émilie[6] à la Cathédrale, laissant toutes nos pensées à l’hôpital. Une heure après Charles vient nous retrouver et nous dire que le médecin l’a examiné avec beaucoup de soins, et qu’il ne conseille pas Carlsbad, qu’il trouve les eaux trop fortes et en craindrait les effets, il lui dit qu’il espère que le régime du lait lui fera du bien, qu’il pourra prendre un verre d’eau de Carlsbad chez lui ; manger plus souvent et moins à la fois, ne pas prendre d’aliments ni trop chauds ni trop froids enfin d’observer surtout ce qui convient à son estomac, l’ordonnance est certainement sage ; car c’est ainsi, sans ancien remède, que M. Edwards[7], Mme Clavery[8] et notre vieux François[9] se sont parfaitement remis de maladies d’estomac que les médecins avaient déclaré inguérissables. Espérons que ton cher père va bien suivre ces bons conseils, et que le moral se trouvant remonté, il éprouvera promptement le mieux et le rétablissement complet que nous désirons si vivement. Il nous semble aujourd’hui déjà plus gai, du reste il n’a pas mauvaise mine. Le médecin lui avait dit qu’il pourrait aller faire un tour en Suisse du côté d’Interlaken &&, mais connaissant le bonheur que ton père a d’être chez lui, il nous a semblé qu’il pourrait bien mieux soigner sa nourriture à Vieux-Thann que dans un hôtel, et à 4h nous reprenions la route de la maison, remerciant Dieu d’avoir tout si bien dirigé, et de nous avoir empêchés de commettre, avec bonne intention, une grande imprudence. Nous venons de ranger nos affaires, et de faire monter les caisses au grenier, car leur présence commençait à nous fatiguer ; depuis Launay nous avions vécu en leur compagnie.
Nous avons été chez Hélène Berger[10] Vendredi, elle reprend sans cesse le lit tout en ayant une excellente mine, mais la dernière partie de son voyage l’a trop fatiguée et depuis ce moment, elle ne peut pas se remettre. Je crois qu’il n’est question de rien[11]. Marie Rich[12] va parfaitement et sa petite fille est charmante, elle en est très fière.
Mme Léon[13] ne va pas mal, elle commence à marcher et compte quitter Vieux-Thann aussitôt qu’elle sera tout à fait bien, soit pour aller aux eaux ou ailleurs selon le moment. Hélène est charmante et très grande. Jusqu’à présent nous avons beau temps, mais le ciel est bien gris ce matin.
Nous rentrons de la grand’ messe. Nous avons amené Cécile[14]. L’omnibus est superbe, nous sommes revenus de la gare hier dedans. J’oubliais de te dire que nous avons vu le mari d’Hélène[15] qui paraît fort bien, il est très aimable et a l’air bon ; on voit qu’il est parfaitement content et sa femme aussi ; leur installation est charmante. Mme Berger[16] et avec ses 2 fils et Marthe à Saint-Valéry. J’ai écrit de suite à M. Fernet[17], dis à Marcel[18] combien je suis heureuse de la tournure que prend cette affaire[-là][19]. Faut-il que je te dise combien je pense à vous trois[20] et combien je vous aime.
Trouvant la chose inutile, je t’embrasse tendrement et te charge de mes plus affectueux souvenirs pour Mme de Fréville[21] et Mme de la Serre[22]. Tes petits neveux[23] doivent être bien gentils, j’aimerais les voir avec Jeanne. Les lettres que tu mets de bonne heure à la poste nous arrivent le lendemain matin.
Ton papa t’embrasse et te remercie de ta lettre.
Émilie va parfaitement et t’embrasse tendrement. elle regrette bien Crabe[24] !!
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Le docteur Louis Disqué.
- ↑ Le docteur Adolf Kussmaul.
- ↑ Karlsbad, station thermale allemande en Bade-Wurtemberg.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Marie Philiberte Ferron, épouse de Paul Clavery.
- ↑ Probablement François Lochon (†).
- ↑ Hélène Berger, épouse d'Émile Poinsot.
- ↑ Allusion à une grossesse possible?
- ↑ Marie Berger, épouse de Paul Henri Rich et mère de Gabrielle Rich.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril, qui vient d'accoucher d'André Duméril ; elle est mère d'Hélène Duméril.
- ↑ La bonne Cécile Besançon.
- ↑ Émile Poinsot, mari d'Hélène Berger.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger avec ses fils Louis Jules et Charles Berger et Marthe Berger.
- ↑ Émile Fernet ?
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ La recherche d'un mari pour Émilie Mertzdorff.
- ↑ Marie, son époux Marcel de Fréville et leur fille Jeanne.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville, belle-mère de Marie.
- ↑ Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre et belle-sœur de Marie.
- ↑ Louis, Étienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
- ↑ Crabe, ou Krabe, le chien d'Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Dimanche 6 août1882. Lettre d'Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (Vieux-Thann) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_6_ao%C3%BBt1882&oldid=39671 (accédée le 21 novembre 2024).
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