Jeudi 10 août 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Paris), à sa petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer)


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Paris 10 Août 1882.

Merci mille fois, ma bonne petite Marie, de nous avoir envoyé de tes nouvelles et de celles de ton cher entourage, la pauvre petite Jeanne[1] passe à présent un mauvais moment à cause du travail des dents, les œillères[2] sont, je crois, celles qui font le plus souffrir les pauvres petits enfants qu’on serait si heureux de préserver de toute atteinte. Le voisinage de tes bons petits neveux[3] si empressés pour Jeanne, lui donnera des distractions que ne pourraient lui procurer les grandes personnes. Embrasse bien pour nous cette chère petite pour laquelle nous avons pu constater l’efficacité du séjour à Launay et je ne doute pas qu‘il en sera de même de celui à Villers. Je sais que ta bonne tante[4] et Émilie[5] te tiennent bien au courant de tout ce qui a rapport à nos chers Alsaciens. Combien on doit s’applaudir d’avoir pris à Strasbourg l’avis d’un médecin spécialiste. Ton bon père[6] reste à Vieux-Thann qui est pour lui le pays par excellence et là il suit un régime régulier qui a déjà eu pour lui un bon effet, on lui parle peu de sa santé afin d’éviter les préoccupations auxquelles il n’est malheureusement que trop enclin. De petites promenades répétées, faites en famille, lui font plaisir et conviennent à son tempérament ; que de fois ton bon-papa[7] lui a dit qu’il ne faisait pas assez d’exercice. Enfin je le répète ce sont de bons détails qui nous arrivent de Vieux-Thann.

Notre chère belle-fille[8] va aussi bien que possible, le petit André est mignon, mais il a de la vivacité et prospère un peu chaque jour, quant à notre petite Hélène ta bonne tante nous fait d’elle un portrait charmant, nous en étions tout émus. C’est une enfant qui a tant de cœur et beaucoup d’intelligence, il paraît que ses cheveux coupés lui donnent l’air d’un petit garçon.

Tu as su ma bonne petite Marie que nous avons eu le contentement de voir à Paris les uns après les autres plusieurs membres de notre chère famille, Adèle Devers nous a quittés un peu avant notre nièce Clotilde[9]. Je crois t’avoir dit combien Adèle Devers est remarquablement douée, joignant à une forte instruction les sentiments les plus délicats et une juste fierté dont nous avons eu la preuve quand elle nous a dit qu’ayant donné des leçons à une jeune personne assez haut placée dans le monde, cette jeune personne avait réussi  à l’examen supérieur et s’était contenté de lui envoyer un billet assez sec de remerciement. Adèle ne lui répondit rien, trouvant avec raison que ce n’était pas ainsi qu’on devait lui parler après toute la peine qu’elle avait prise. Ton bon-papa et moi avons été indisposés ces jours derniers mais à présent nous sommes presque tout-à-fait remis, lui, avait une grippe et moi un dérangement d’entrailles. La pauvre famille Tisserant[10] est bien triste dans ce moment car l’état de santé du petit garçon atteint d’une fièvre muqueuse. Adieu mes chers enfants soyez je vous prie notre interprète auprès de Mesdames de Fréville et de la Serre[11].

Félicité Duméril  


Notes

  1. Jeanne de Fréville.
  2. Les œillères : les canines.
  3. Louis, Étienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  5. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  6. Charles Mertzdorff.
  7. Louis Daniel Constant Duméril.
  8. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril, mère d’Hélène et André Duméril.
  9. Clotilde Duméril, épouse de Charles Courtin de Torsay.
  10. Gratien Tisserant et son épouse Caroline Soleil ont trois enfants : Marie, Louise et Charles Tisserant.
  11. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville et sa fille, Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.

Notice bibliographique

D'après l'original.

Pour citer cette page

« Jeudi 10 août 1882. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Paris), à sa petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_10_ao%C3%BBt_1882&oldid=58771 (accédée le 27 avril 2024).

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