Dimanche 4 novembre 1917 (A)

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1917-11-04A pages 1-4.jpg original de la lettre 1917-11-04A pages 2-3.jpg


4 Novembre 17

Mon cher petit,

Ton papa[1] s’étant chargé de te donner des nouvelles[2], je ne t’ai pas encore remercié de ta bonne lettre et je ne puis t’écrire longuement de crainte de ne plus trouver d’occasion pour la poste.

Nous partons demain matin[3] et sommes bien occupés ces jours-ci.

Nous avons reçu hier d’Élise[4] la nouvelle que Jacques est parti pour l’Italie !... Je pense que la pauvre Élise trouve un peu dur ce départ qui remplace la permission qu’elle attendait. Mais comme Jacques paraît content elle se déclare satisfaite. J’ai pourtant hâte d’aller la retrouver et de repeupler l’appartement qui doit lui sembler particulièrement vide après cette nouvelle.

Elle m’apprend aussi que notre pauvre Vava[5] a fait une chute dans l’escalier. Elle a dégringolé depuis le dernier palier jusqu’en bas et est remontée en ascenseur puis s’est mise au lit. Elle n’a rien de cassé, mais de fortes contusions. Élise a fait demander le Docteur Grenier.

Geneviève[6] va mieux, la fièvre est passée, elle garde le lit, naturellement, mais commence à jouer. Anne Marie et Geo[7] retournent au cours, mais Lucie[8] se prive de venir voir Élise.

Jean[9] est en permission, il nous a annoncé sa visite pour cette après-midi.

Pas de nouvelles récentes de Pierre[10], mais Michel doit être tout près de toi et espère te voir. Il nous écrit qu’il célèbre sur place l’anniversaire de sa blessure. Je souhaite bien pour vous deux que vous puissiez vous joindre.

Tu as passé de rudes moments, mon pauvre enfant, et ce n’est sans doute pas fini ! tu paies bien de ta personne en ce moment. Que le bon Dieu te protège. Ecris-nous souvent un petit mot.

Ton papa est navré des événements d’Italie et est assez au noir ; je le sens triste et cela me peine. Il a tant d’ennuis ici et ailleurs.

Je pense qu’il t’a conté cela au long. Il t’a peut-être aussi parlé du projet de liquider la culture de Campagne. Cela est abandonné pour l’instant. Gaston[11] est venu passer 48 heures et a décidé que ses enfants pourraient faire les routes de l’école à pied à condition de raccourcir l’école l’après-midi, de sorte que la question se simplifie de ce côté, pas de baudet, pas de cheval, il n’est plus question qu’Alice[12] s’installe à Campagne, donc plus de nécessité à faire venir les Pottier à Brunehautpré. Nous restons dans le statu quo qui est loin d’être parfait, jusqu’à nouvel ordre. Mais avoir Aline[13] à Brunehautpré je ne m’en sens guère le courage !... surtout après les déclarations qu’elle vient de me faire sur la facilité avec laquelle elle deviendrait Boche si elle pensait que cela lui assurerait la conservation de ses biens !... Misère de misère, j’en suis écœurée. Je t’embrasse mon cher enfant en te souhaitant courage et patience. Quel dommage que ton capitaine s’en aille.

Je prie pour toi beaucoup. Est-ce à toi ce petit chapelet qui est tombé d’une valise, [chaîne] en nickel dans un étui rouge fermé par une pression.

Emy


Notes

  1. Damas Froissart.
  2. Voir la lettre du 1er novembre 1917.
  3. Départ pour l’appartement de Paris, rue de Sèvres.
  4. Élise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  5. Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, employée par les Froissart.
  6. Geneviève Degroote qui a la scarlatine.
  7. Anne Marie et Georges Degroote.
  8. Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote.
  9. Jean Froissart.
  10. Pierre et Michel Froissart, frères de Louis.
  11. Gaston Piollé, jardinier chez les Froissart.
  12. (Louise) Alice Lemaire, épouse de Gaston Piollé ?
  13. Aline Besse, épouse de Eloi Raymond Pottier, au service des Froissart ?

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 4 novembre 1917 (A). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_4_novembre_1917_(A)&oldid=58856 (accédée le 7 novembre 2024).

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