Dimanche 4 mai 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-05-04 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-05-04 pages 2-3.jpg


Paris 4 Mai 79.

Pardonne-moi, mon Père chéri, de n’être pas venue hier comme je le devais te dire mon petit bonjour habituel c’est ma faute et ma très grande faute ; j’avais tout réuni au dernier moment : anglais à traduire, géographie à apprendre, carte à faire, pour comble de travail c’était le jour de la blanchisseuse, enfin je n’ai pu avoir fini que juste au moment de partir et mon pauvre Papa a été non pas oublié mais sacrifié.

Nous avons été au cours de géographie[1] et au cours d’anglais[2] d’où nous sommes revenues en grande bande avec Marthe[3] et Marguerite Audouin. L’appartement de tante Louise[4] est tout à fait installé et quoique petit il est vraiment charmant et suffisant pour elles deux. La chambre de Marthe est très gentille avec ses rideaux neufs et tes vases font un magnifique effet sur sa cheminée. Hier par un hasard extraordinaire nous avons dîné toutes les 2 seules[5] en tête-à-tête, oncle tante[6] et M. Edwards[7] étaient invités chez M. Chasles[8]. François[9] a été au petit soin pour nous et je crois qu’il aurait voulu qu’à nous 2 nous absorbions la même quantité de nourriture que quand la table est au complet.

Nous avons été très impressionnées Vendredi des mauvaises nouvelles que nous avons eues de Pauline Dupoirieux on la regardait presque comme perdue ; elle a été prise comme je te le disais à Rome, et à Nice la fièvre avait fait de grands progrès ses parents[10] espérant qu’un changement d’air lui ferait du bien l’ont ramenée sans connaissance à Passy avec un médecin, pensant à tous moments qu’elle n’arriverait pas jusqu’au bout ; c’est horrible ! Depuis qu’elle est chez elle, elle continue à avoir le délire ne reconnaissant personne de sa famille qui est bien désespérée. Hier Mlle Viollet a dit à Marthe qu’il y avait une lueur de mieux mais elle est encore bien malade. C’est vraiment affreux de voir un voyage d’agrément se terminer de la sorte et nous ne cessons de penser à sa pauvre mère.

Emilie t’a dit que j’avais eu ma 2e leçon de peinture et que cela m’amusait beaucoup ; je vais aller Mardi à la 1ère séance du cours où je dois dessinerai d’après nature. Seulement je ne travaille pas assez et j’ai peur que M. Beauregard[11] ne soit pas content Jeudi du peu que j’aurai à lui présenter. Je crois qu’aujourd’hui nous tenons le beau temps, le soleil brille et le vent n’est plus aussi froid que ces jours derniers jusqu’à présent on ne se serait pas cru au mois de Mai ; la végétation me semble très en retard on ne voit pas encore toutes ces belles fleurs de printemps et le lilas ne veut pas se décider à paraître.

Demain 5 Mai il y aura 7 ans de ma 1ère communion, il me semble, tant je me le rappelle bien, que c’était hier et cependant j’ai vieilli depuis ce temps-là ! et bien à cette année-là les lilas étaient en pleine fleur le 5 Mai te souviens-tu du bel arc de triomphe qu’on m’avait fait à la porte du corridor ?

Adieu, mon Papa chéri, chéri, que j’aime je t’embrasse de toutes mes forces. J’espère que nous recevrons bientôt une lettre de toi mais elle sera je pense adressée à la petite mendiante Emilie.

Oncle commence son cours demain aussi aujourd’hui il a beaucoup à faire.


Notes

  1. Cours de géographie donné par Caroline Kleinhans.
  2. Cours d’anglais donné par Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  3. Marthe Pavet de Courteille.
  4. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  5. Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  6. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  7. Henri Milne-Edwards.
  8. Michel Chasles.
  9. François, employé chez les Milne-Edwards.
  10. Charles Nicolas Dupoirieux et son épouse Maria Prévot.
  11. Ange Louis Guillaume Lesourd-Beauregard.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 4 mai 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_4_mai_1879&oldid=39654 (accédée le 21 novembre 2024).

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