Dimanche 29 avril 1917
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
29 Avril 17[1]
Mon cher petit,
Il nous semble que tu es un peu plus au calme et nous remercions Dieu de t’avoir protégé, car nous ne nous faisons pas d’illusions sur les dangers que tu as courus quoique ton groupe, dis-tu, n’ait pas souffert. Nous avons vu ton commandant[2] qui a 15 jours de convalescence et qui a eu la bonté de s’occuper de toi. Il est venu nous voir Vendredi matin ; on voit bien qu’il a été malade, il est assez maigri, mais il espère que ses forces reviendront pendant ces 15 jours. Il est allé un peu à la campagne, mais je pense qu’il repassera encore par ici et que nous le verrons avant toi. Ton papa[3] l’a mis au courant du nouveau décret dont il n’avait pas connaissance et il a dû écrire à son remplaçant pour qu’on fasse le nécessaire à ton endroit.
Ta lettre nous a bien intéressés. Tu as une manière très pratique de faire des économies de chauffage et d’éclairage, mais 48 heures de sommeil c’est cependant un peu long !
La pauvre Laure[4] a été bien inquiète de Jules. Elle a vu deux blessés du 43e qu’on avait envoyés à Hesdin et qui ont pu lui dire que Jules n’était pas tué le 16 à 10h du matin ; un autre soldat a pu la renseigner sur la journée du 17, mais elle ne recevait rien de Jules. J’espère qu’elle est tranquillisée maintenant. Il paraît que sa compagnie a eu des moments terribles, combats à la grenade et au poignard, elle s’est trouvée encerclée. En fait c’est miracle qu’il en soit resté.
Voilà Geneviève[5] prise des oreillons le jour où A.M.[6] recommence à sortir !
Tu as su par ton papa et peut-être aussi par moi que Pierre[7] est venu passer 24 heures Jeudi et que vous avez peut-être quelques chances de vous rencontrer. Jacques[8] aussi, tu pourras le rencontrer.
Je t’envoie aujourd’hui ta géométrie. Hier je t’ai expédié 1° une bouteille d’encre à stylo, 3 piles, 1 paire de chaussettes. 2° du lait et des rillettes. Avant-hier 4 œufs, du beurre et un petit flacon de sel. Dis-moi si les œufs arrivent en bon état. Les chaussettes te feront rire, elles ont l’air d’une carte d’échantillon. Françoise[9] y a employé tous ses petits bouts de laine.
M. Martin[10] m’a envoyé le 19 quelques lignes où il dit être intact après une première attaque et avoir aperçu quelques isolés du 41e. Je te rappelle qu’il est au 5e bataillon [d’Alpins] attaché au bataillon du commandant et que son bataillon appartient au 7e corps. Il est sergent et on l’appelle Martin-Dumesnil parce qu’il y avait un autre Édouard Martin.
Je t’embrasse tendrement, mon cher enfant. Bon courage toujours ! mais il me semble que le plus mauvais est passé quant à présent. Ton papa va mieux pour le pied mais a comme un petit trouble du foie, il est un peu jaune et fatigué.
Emy
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Le commandant Charles Marc.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
- ↑ Geneviève Degroote.
- ↑ Anne Marie Degroote.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, employée par les Froissart.
- ↑ Edouard Martin.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 29 avril 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_29_avril_1917&oldid=56487 (accédée le 18 décembre 2024).
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