Dimanche 25 septembre 1870 (A)
Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à sa sœur Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Dimanche 25 septembre
Je ne sais trop si mes lettres te parviennent, ma chère petite Nie, mais je veux cependant te donner de nouvelles régulièrement espérant qu'une lettre te parviendra de temps en temps.
Les nouvelles de Julien[1] sont très bonnes, il travaille beaucoup, fait de tout de son mieux et se fait apprécier de tous. Il n'y a encore rien eu de sérieux de son côté ; il paraît désirer beaucoup se servir de son chassepot.
Alfred[2] et Alphonse[3] sont toujours très occupés par la garde nationale, ils ont déjà passé plusieurs nuits à la belle étoile sur les fortifications, mais ils ne s'en sont pas trouvés mal et ils vont très bien tous deux. Maman[4] va bien ainsi que papa. Je te dirai que nous sommes très occupées en ce moment, nous organisons une ambulance dans la maison de l'école pratique, nous y mettons 12 lits appartenant aux différentes personnes du jardin ; M. Dewulf est notre médecin. M. Gosselin le chirurgien, sœur Marie et une autre viendront s'installer dans la maison et soigneront nos malades ; l'infirmier couchera également puis nous aurons une femme pour la cuisine et pour laver. Antoinette[5], Mmes Brongniart[6], Delafosse, Duméril[7], frémy[8], Desnoyers, Dewulf, <Desnoyers>, Cécile[9] et moi sommes à la tête. On a craint d'exciter la jalousie du jardin si on ne les joignait pas. Il fait un temps superbe, chacun s'occupe de son mieux, et on est bien décidé dans Paris à bien se défendre plutôt que de les laisser entrer. Ne te tourmente pas pour nous, nous ne courrons aucun danger. M. Duméril[10] n'est pas plus mal ; Adèle[11] s'occupe beaucoup de son père, son mari est à Chaumont. Bonne-Maman Trézel[12] a eu un accident la semaine dernière, une voiture a passé sur ses jambes sans rien casser ; son nez a été un peu abîmé, mais elle va bien et elle en sera quitte avec quelques jours de lit. Tu comprends l'inquiétude que nous avons eue au premier moment et combien nous sommes heureux de voir que ce ne sera rien. Je t'ai déjà dit que M. Lafisse[13] était dans Paris et Constance[14] à Lisieux ; Cécile festugière[15] est avec son beau-frère[16] et sa belle-mère à Tours.
M. Buffet est dans les Vosges et Marie[17] à Bourguignolles. Petit Jean[18] va bien il est en ce moment au jardin où il jouit du beau temps. Si on bombarde Paris, il ira à la monnaie car c'est l'endroit le plus sûr. M. de Quatrefages a appris indirectement que sa famille allait bien.
Il est parti hier un ballon emportant quantité de lettres, ce sera de cette façon que nous pourrons avoir des nouvelles les uns des autres. Alphonse essaiera d'envoyer des petits ballons rouges, car il serait bien heureux que vous puissiez savoir un peu ce que nous devenons. Les enfants de Mme Audouin sont ainsi que les enfants d'Antoinette au Mans avec Mme Audouin[19] et les deux mamans sont restées chez elle à Paris avec leur mari.
Le capitaine venant de Vendée que nous logeons est depuis deux jours près le fort de Bicêtre mais il va revenir probablement et a laissé ses affaires ici.
François[20] est de la garde nationale et passe les nuits comme ces MM. ; du reste chacun y met beaucoup de bonne volonté et tout marche admirablement. Ce qui te fera plaisir c'est que je vais vraiment très bien, je fais mille et mille choses, ne m'arrête pas un instant et me porte très bien. N'importe ce qui arrivera je me féliciterai toujours d'être resté près d'Alphonse car il me serait par trop pénible de rester sans nouvelles si longtemps. Au jardin on s'est occupé à mettre en lieux sûrs tous les esprits de vin car c'était trop dangereux pour le feu. Il est arrivé des pigeons voyageurs qui pourront être utilisés. Il y a deux jours nous avons déjà eu un succès ; espérons que cela va continuer.
Adieu, ma chère petite Nie, je t'embrasse bien tendrement ainsi que ton cher mari[21] et nos petites filles[22] auxquelles nous pensons si souvent.
Maman se joint à moi pour tout ce que je te dis. Ecris-nous souvent et prends du papier léger et pas d'enveloppe afin que tes lettres nous arrivent plus facilement. Encore mille tendresses.
AME
J'ai vu M. le curé[23] qui va très bien.
Notes
- ↑ Julien Desnoyers, au fort d’Issy.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Antoinette Silvestre de Sacy, épouse de Paul Audouin.
- ↑ Catherine Simonis épouse d’Edouard Brongniart.
- ↑ Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril.
- ↑ Eugénie Félicité Germaine Boutron, épouse d’Edmond Frémy.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Auguste Duméril.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil et fille d’Auguste.
- ↑ Auguste Maxence Lemire, veuve du général Camille Alphonse Trézel.
- ↑ Claude Louis Lafisse.
- ↑ Constance Prévost épouse de Claude Louis Lafisse.
- ↑ Cécile Target, juste veuve de Georges Jean Festugière.
- ↑ Emile Festugière.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Dans cette phrase, sont mentionnés : Mathilde Brongniart, épouse de Jean Victor Audouin, ainsi que sa fille Cécile Audouin, épouse d’Alfred Silvestre de Sacy (et ses enfants Rachel, Gabriel et Mathilde Silvestre de Sacy) et sa belle-fille Antoinette Silvestre de Sacy, épouse de Paul Audouin (et ses enfants Marguerite, Etienne et Pierre Audouin).
- ↑ François, domestique chez les Desnoyers.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Probablement le curé de Saint-Médard, Ernest Marie de Geslin.
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Madame Mertzdorff
Haut-Rhin
Pour citer cette page
« Dimanche 25 septembre 1870 (A). Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à sa sœur Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_25_septembre_1870_(A)&oldid=52304 (accédée le 18 décembre 2024).
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