Dimanche 23 et lundi 24 février 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Original de la lettre 1879-02-23-24 pages 1-4.jpg Original de la lettre 1879-02-23-24 pages 2-3.jpg


Paris 23 Février 79

Mon Père chéri,

Comme je suis un peu plus réveillée aujourd’hui qu’hier je vais venir te parler de mes plaisirs de la nuit dernière dont Emilie[1] du reste t’a déjà entretenu, je me suis beaucoup beaucoup amusée et mon seul regret a été de n’avoir pas ma petite sœur avec moi car je suis sûre qu’elle aussi aurait eu du plaisir. C’était magnifique, la plus belle fête à laquelle j’aie jamais assisté ; toutes les rues environnantes étaient très éclairées, l’observatoire tout orné de rangées de gaz avec des R.F. comme les jours d’illuminations ; les salons sont immenses et étaient entièrement garnis de fleurs, quand nous sommes arrivés la grande galerie du milieu était déjà remplie de monde il paraît qu’il y a eu 850 personnes on remarquait beaucoup d’illustrations le ministre[2] et sa femme Eugénie Risler[3] que j’ai très bien reconnue elle avait l’air bien fatiguée, le peintre Meissonnier[4] et Alexandre Dumas[5] mais je n’ai malheureusement pas pu voir ce dernier ; je connaissais énormément de monde, Mlle Troost[6], Mlles Fernet[7], Mlle Debray[8] & on a commencé par faire de très belles expériences avec la lumière électrique puis nous avons eu une répétition du phonographe ce qui m’a fort divertie, puis vers minuit tout le monde a quitté  la galerie centrale et on s’est promené dans tous les appartements qui sont magnifiques pendant ce temps on a enlevé toutes les banquettes un orchestre excellent est arrivé comme par enchantement et on a commencé à danser ; il y avait toujours beaucoup de monde mais les salons étaient si grands qu’on y dansait tout à son aise aussi je n’ai rien manqué du tout et me suis beaucoup amusée ; ce n’est qu’à 3 heures du matin que nous sommes partis. Par exemple, depuis ce jour-là je dors un peu et j’entends encore de temps en temps des airs de valse.

J’avais commencé hier à te narrer cette fête, mon Père chéri, mais les visites se sont succédées toute la journée et j’ai été forcée de remettre à aujourd’hui le départ de ma missive. Cela a été d’abord Jeanne B.[9], puis Marthe[10], ma cousine Fidéline[11], Mme B.[12] enfin Mme Buffet[13], Marthe B.[14] et son fils Jean[15].

Aujourd’hui je vais profiter de mon Lundi gras pour aller à l’atelier[16]. Emilie continue à bien aller ; elle a été hier à la messe en voiture et je pense que cet après-midi elle se promènera à pied ; sa gorge est tout à fait dérougie et ne la gratte plus du tout.

Et toi, mon bon Père, comment vas-tu ? Sais-tu que nous commençons à nous inquiéter un peu ! Voilà bien bien longtemps que nous n’avons reçu de lettre de toi je parierais que tu es fatigué ou très ennuyé et bien dis-le nous alors. Les Paul[17] sont-ils toujours chez toi ? Comment va tante M.[18] ? Oncle Léon est-il de retour ?
J’espère que demain nous aurons réponse à toutes ces questions en attendant mon petit Papa bien-aimé je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille,
Marie
J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[19].


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique du 4 février 1879 au 23 septembre 1880.
  3. Mathilde Eugénie Risler, épouse de Jules Ferry.
  4. Ernest Meissonnier.
  5. Alexandre Dumas fils (1824-1895), auteur de La Dame aux camélias (1848).
  6. Madeleine Troost.
  7. Probablement les trois aînées : Jeanne Pauline, Angélique Émilie Marguerite Victoire et Amélie Henriette Mathilde Fernet.
  8. Jeanne Debray.
  9. Jeanne Brongniart.
  10. Marthe Pavet de Courteille.
  11. Fidéline Vasseur.
  12. Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart.
  13. Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
  14. Marthe Buffet.
  15. Jean Buffet, l’un des frères de Marthe.
  16. Marie Mertzdorff fréquente l’atelier du peintre Paul Flandrin.
  17. Paul Nicolas et son épouse Stéphanie Duval.
  18. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  19. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 23 et lundi 24 février 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_23_et_lundi_24_f%C3%A9vrier_1879&oldid=42555 (accédée le 21 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.