Mercredi 26 février 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-02-26A pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-02-26A pages 2-3.jpg


Paris 26 Février 79.

Merci, merci, mon cher Papa, pour ta bonne lettre d’hier[1] qui est venue nous rassurer sur tout le monde ; je t’assure qu’elle a été la très bienvenue car nous soupirions après depuis 2 jours, aussi quand les bonnes choses arrivent après une attente elles sont toujours mieux appréciées.

Tu as devant toi une personne qui ne s’est couchée qu’à 1h du matin sans cependant s’être beaucoup amusée tu devines donc où nous avons bien pu aller pour notre Mardi gras et tu te transportes tout de suite quai Voltaire chez Mme Ravaisson[2] ; ce n’est guère aimable ce que je dis mais c’est pourtant la vérité et que tu consultes Emilie, oncle ou tante[3] tu obtiendras la même réponse ; suis-moi plutôt dans toute notre soirée et tu verras que tu partageras nos sentiment ; aussitôt le dîner nous prenons du café pour nous préparer à la lutte qu’il faudra soutenir vers le 10h contre notre bon hôte habituel le sommeil ; puis cette 1ère opération terminée nous montons à la hâte pour commencer l’œuvre difficile de la coiffure ; cela a été notre bon moment, tante avait essayé de nous coiffer elle-même et elle a admirablement réussi nous étions 10 fois mieux que de coutume ; aussi notre pauvre coiffeuse est bien compromise. Nous n’avons fait que rire et dire des bêtises tout le temps enfin à force d’efforts nous étions tous prêts à 9h1/2, Emilie enchantée de danser et moi aussi, enfin la voiture arrive nous partons, hélas ! l’ennuyeux commençait ! Nous roulons pendant ½ heure, nous grimpons les étages de Mme Ravaisson et nous faisons notre entrée solennelle au milieu d’un salon déjà plein de monde mais où on ne trouve pas une seule figure de connaissance, on nous [invente] des chaises tout le monde est silencieux. Mme R. nous annonce que quelques amis vont improviser une petite charade, après un instant d’attente ils commencent ; c’est assez drôle mais les scènes durent 5 minutes tandis que les entr’actes pendant lesquels on se costume sont indéfinis, on reste à se regarder dans le blanc des yeux, on sent ses paupières qui s’alourdissent, on commence à étouffer, M. R. annonce pour occuper qu’un jeune homme va lire des vers, tout le monde tend l’oreille mais le jeune homme sans doute intimidé ne paraît pas. Enfin la charade se termine le mot est : paléontologie mais elle 1° palais, 2° honte, 3° au logis ; mais elle a été si bien conduite que les plus spirituels donnent leur langue au chat. Enfin on annonce qu’on va danser un peu ; personne n’en est fâché et on serre les rangs pour qu’on puisse avoir au centre une petite place pour remuer ; tout le monde voudrait danser mais tout le monde est déçu, les jeunes gens parqués d’un côté ne peuvent approcher, ils ne veulent danser qu’avec des personnes qui leur sont présentées, bref à l’exception des maîtresses de la maison et de 4 ou 5 habituées toutes les jeunes filles restent sur leurs chaises ce qui est peu divertissant, aussi voyant la tournure que prennent les affaires nous nous levons sans tambour ni trompette et malgré les instances de Mme R. nous montons en voiture, rions de nouveau beaucoup en voiture puis nous nous couchons avec délices la pauvre Emilie déplorant fort de n’avoir pu changer cette soirée contre le bal de l’observatoire[4].

Aujourd’hui Mercredi des Cendres nous prendrons des plaisirs d’un autre genre nous irons voir Paulette[5] et le prochain numéro te dira lequel des 2 a été le plus agréable !

Je ne puis croire que J. Baudry[6] ait déjà un 2e enfant, c’est singulier que je ne puisse la prendre sérieusement il me semble toujours qu’on parle de ses poupées.

Adieu mon Père chéri,  je t’embrasse de tout mon cœur.
ta fille qui t’aime beaucoup,
Marie


Notes

  1. Lettre adressée à Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Marie Françoise Aglaé Louyer de Villermay épouse de Félix Ravaisson.
  3. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  4. Voir la lettre du 23 février 1879.
  5. Paule Arnould.
  6. Jeanne Henriet, épouse de Paul Baudry, mère de Marie Paul Baudry, vient d'accoucher de Charles Baudry [le jeune].

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 26 février 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_26_f%C3%A9vrier_1879&oldid=43241 (accédée le 29 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.