Dimanche 22 octobre 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 22 Octobre 1876.
Mon Père chéri,
Voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit ; tante[1] et Emilie[2] l’ont fait pour moi et certainement bien mieux ; cependant aujourd’hui Dimanche c’est à mon tour de venir causer un peu avec toi.
Il fait très froid depuis deux ou trois jours, aussi avons-nous pris nos vêtements chauds sans pour cela être bien agréablement encore ; certes cette température-là ne vaut pas celle de Biarritz je pense que vous avez le même temps là-bas qu’ici si ce n’est plus froid encore. Je t’assure que les douches sont absolument dénuées de charme avec cette petite bise glacée.
Hier matin nous avons eu Mlle Bosvy[3], je suis en train de revoir l’histoire grecque et la littérature grecque en attendant le commencement du cours d’histoire[4] qui aura lieu probablement vers la fin de Novembre j’étudierai alors l’histoire moderne et la littérature correspondante ; j’aurai le même jour le cours de physique ce qui me ravit ; j’ai recommencé aussi la géographie d’Asie que je vais me mettre à étudier sérieusement ; nous n’avons pas encore repris nos leçons de piano ; Jeudi dernier Mme Roger[5] n’était pas chez elle je pense que nous y retournerons prochainement ; en attendant nous continuons à déchiffrer avec ardeur et à ton prochain voyage nous pourrons te jouer les Noces de Figaro[6] c’est très facile de sorte que nous ne le jouons pas trop mal ; depuis que j’ai repris mes leçons de dessin[7] je travaille à peu près tous les jours et cela m’amuse, seulement je n’ai pas encore fait grand’chose et je passe un temps fou sur les choses les plus vite faites et les plus faciles.
Dans l’après-midi hier nous avons été à la recherche de chapeaux et de manteaux d’hiver ce qui n’est jamais bien amusant il est probable que nous allons avoir des espèces de petits paletots d’homme très chauds et très longs. De là nous avons été à la gare au-devant de tante Cécile[8] et de toute sa smala qui arrivaient de Bézu-Saint-Eloi[9] et qui depuis deux jours déjà différait son retour à cause d’une migraine prolongée ; Jean[10] va bien et a très bonne mine, Noël[11] ira dans peu de temps rejoindre son régiment où son colonel l’appelle.
Nous revenons de chez Mme Camille Trézel[12] qui est un peu inquiète de son petit garçon[13] il est dans une très grande surexcitation et le médecin leur un peu a dit que ce pourrait bien être le commencement d’une maladie comme il est si nerveux et si intelligent pour son âge sa pauvre mère en a bien plus mauvaise mine que lui et comme elle vient d’être souffrante ces nouvelles préoccupations ne vont pas la remettre.
Nous venons de faire une grande promenade dans la ménagerie pour marcher ; oncle[14] a passé toute sa journée dans son laboratoire rue de Buffon c’est bien loin et quand il y part on ne le revoit plus de la journée.
Emilie et Marthe[15] sont en train de jouer leurs éternels morceaux à quatre mains les progrès sont bien lents quoiqu’en disent maîtresse et élève.
Adieu, mon petit père chéri je t’ai quitté dans la journée pour aller me promener et j’entends Maria[16] qui vient chercher ma lettre, à un autre jour donc une plus longue lettre, aujourd’hui il ne me reste que le temps de t’embrasser de toutes mes forces comme je t’aime en te demandant pardon de mon griffonnage.
Marie
J’oubliais encore de te parler de l’eau de Bussang[17] ce pourquoi oncle me taquine tous les jours, je continue à en boire très régulièrement et cela me ferait bien plaisir si tu pouvais nous en envoyer. encore un bon baiser.
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marguerite Geneviève Bosvy, professeure de Marie Mertzdorff
- ↑ Professeur : M. Pasquier.
- ↑ Madame Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Un arrangement pour piano à 4 mains d'après les Noces de Figaro de Mozart.
- ↑ Leçons de dessin avec Marie Louise Duponchel.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Bézu-Saint-Eloi près de Gisors, dans l’Eure.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Noël Dumas.
- ↑ Louise Ida Martineau, épouse de Camille Trézel.
- ↑ Henri Trézel.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Maria employée par les Milne-Edwards.
- ↑ Eau de Bussang : eau minérale des Vosges.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 22 octobre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_22_octobre_1876&oldid=60492 (accédée le 15 novembre 2024).
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