Dimanche 1er septembre 1918 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Guy de Place (Le Havre) à Jacques Meng (Fellering)


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 [Répondu] le 3 Septembre 1918

Dimanche 1er[1]

Mon cher Monsieur Meng

Mon passage à Paris ne correspondait pas précisément à une permission et j’ai eu fort à faire. Maintenant je suis ici pour une mission rapide et je me suis arrangé pour y disposer de mon après-midi du dimanche pour relire vos lettres et y répondre rapidement ;

Moteurs électriques. Ce n’est pas à nous de demander que ces moteurs soient réquisitionnés. Au fond je crois que ce serait tout de même une solution avantageuse (Il s’agit bien, n’est-ce pas, des moteurs avariés ? Qu’en pense ZWingelstein). Il me semble que l’on pourrait tenter la chance.

Répondre au Capitaine Ducros qu’aucune indication de prix ne pouvant nous être donnée par lui, à l’avance, nous ne pouvons dire que nous désirons une réquisition, mais que s’il estime que cette réquisition particulière est de l’Intérêt général nous ne soulèverons pas de difficultés ni d’objections et que nous pensons que nous nous entendrons avec la Commission, mais qu’en raison des intérêts qui nous sont confiés nous ne pouvons prendre l’initiative de la chose. Vous tournerez la lettre comme venant de vous, mon rôle consistant à ne faire aucune opposition.

Demande des Assurances Suisses. Dire à Flory et aux autres que le jour où j’apprendrai qu’un employé quel qu’il soit a répondu aux demandes de ce genre, non seulement je le foutrai à la porte sans phrases mais que je rendrai compte à l’administration pour correspondance avec l’ennemi et renseignements fournis à l’ennemi sur la situation du front français. Peu importe que la demande soit inspirée par M. Jaeglé[2] ou non. Vous préviendrez en outre Flory que j’ai fait informer M. Gasquet des démarches dont il a été l’objet et que ce dernier a l’œil ouvert. Vous prierez ZWingelstein de se rendre auprès de M. Gasquet, de lui dire ce qui en est et de l’informer de la réponse que je donne à Flory aussi bien qu’à tout autre qui pourrait être l’objet de semblables demandes.

Je ne veux aucune communication de personne au sujet de la fabrique même avec des neutres, à l’exception des lettres aux Banques de Bâle ou M. Gilliéron dans les conditions que vous jugerez désirables.

A ce propos, Flory est donc rentré ? Qu’avez-vous fait de Robert ?

En écrivant à Ducros pour les Moteurs électriques vous direz que vous profitez de l’occasion, puisqu’il s’agit de réquisitions, pour lui dire que des réquisitions datant de 3 ans et plus ne sont pas réglées et qu’on n’arrive même pas à avoir les documents permettant de réunir la Commission départementale. Il nous manque toujours, n’est-ce pas, ce qui concerne la Turbine : S’il ne manque plus autre chose peut-être pourriez-vous demander à M. Gasquet de faire régler le reste, en présence de la force d’inertie qu’on nous oppose pour la Turbine.

Reste la grosse affaire de nos ventes et de la circulaire de l’armement. Je ne voudrais pas me brouiller avec Ducros, il faut donc le ménager au moins en apparence.

Il n’y a pour moi aucun doute : Pour tous les Matériaux qui sont sous le contrôle de l’état : c'est-à-dire qui ne peuvent être vendus ou cédés en vertu de décrets ministériels que sous le contrôle de l’état, nous devons rendre compte à Ducros. C’est en particulier le cas de tous les Matériaux Métallurgiques et par conséquence des tuyaux Nordon. Là nous sommes en faute et je regrette de ne vous l’avoir pas signalé en temps voulu. Il faudra s’excuser. Il en est de même je pense pour la Houille, le coton sans doute, etc. Pour le reste, il faut essayer de nous défendre ; la circulaire que vous m’envoyez n’est qu’une circulaire. Elle ne peut nous dépouiller de notre titre de propriété. Elle vise très spécialement des produits métallurgiques, éventuellement les matériaux de construction (je ne suis pas d’avis de vendre nos moellons) et elle vise les Matières premières : Quand nous vendons une lessive de soude à Wesserling ou une drogue, un ingrédient, ce n’est pas une matière première, si cette drogue n’est pas sous le contrôle de l’Etat personne n’a rien à y voir. Enfin notre usine n’est pas abandonnée ; nous la gardons à nos risques et à nos frais. Si nous évacuons à Fellering dans nos magasins, personne n’a rien à y voir. C’est affaire entre nous et l’administration de Thann qui nous donne l’autorisation de circuler. Nous avons toujours le droit d’évacuer ce qui nous appartient dans nos locaux de Fellering et là nous sommes libres de faire ce que nous voulons.

Pour le moment je ne veux pas aller plus loin ni dire à Ducros que s’il poussait ses exigences trop loin nous serions dans l’obligation de lui laisser toute la responsabilité de l’usine après en avoir référé au Ministre[3] sous pli recommandé. J’espère qu’on ne sera pas obligé d’aller jusque là.

Du moment que nous ne demandons rien à personne pour ces marchandises je ne vois pas ce que M. Ducros viendrait faire là-dedans.

Bien cordialement à vous,

GP


Notes

  1. Trois feuilles de papier à en-tête : Hôtel continental
  2. Georges Jaeglé.
  3. Possiblement Louis Loucheur, ministre de l'Armement, des fabrications de guerre et de la Reconstruction industrielle du 12 septembre 1917 au 28 novembre 1918.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 1er septembre 1918 (B). Lettre de Guy de Place (Le Havre) à Jacques Meng (Fellering) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_1er_septembre_1918_(B)&oldid=43066 (accédée le 20 avril 2024).

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