Dimanche 19 et lundi 20 janvier 1879
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 19 Janvier 1879.
Quoique un peu endormie, mon Père chéri, je ne veux pas laisser finir la journée sans venir te dire un petit bonsoir ; je prévois que demain je n’aurai pas beaucoup de temps pour écrire et ce soir je ne me sens pas de force d’écrire quelque chose de sérieux ; d’écrire à papa cela ne compte pas on peut lui dire toutes les bêtises possibles.
Comment vas-tu mon petit Père ? Nous avons bien pensé à toi je t’assure hier soir et ce matin surtout en voyant qu’il faisait si froid, tu as peut-être bien souffert en route ; nous avons peur aussi que tu n’aies trouvé bien de la neige du côté de Belfort aussi ta lettre de demain est attendue avec grande de l’ impatience. Pourvu que tu ne sois pas trop fatigué !
Nous avons eu aujourd’hui une journée des plus remplies aussi avons-nous gardé nos chapeaux de 10h du matin à 6h1/2. D’abord nous avons été à la messe, puis chez bonne-maman[1] où nous avons trouvé toute la famille en train de déjeuner ; oncle Alfred[2] a toujours mal au pied cependant il était venu hier en pantoufle pour te voir et a été désolé de ne pas t’avoir trouvé. Oncle[3] est venu nous rejoindre et nous sommes repartis tous les 4 ensemble, oncle pour aller à Notre-Dame au Te Deum et nous[4] chez Jeanne B.[5] que nous voulions emmener avec nous dans nos courses, mais comme sa mère[6] n’était pas à Bellevue (Mme Empis[7] va plutôt un peu mieux) elle a naturellement mieux aimé rester avec elle ; nous avons donc pris notre omnibus et en moins de ¾ d’heure nous étions chez Mme Lafisse[8] qui était seule avec Hortense[9], cette dernière est toujours fort heureuse, pendant que nous étions là M. Aubry est arrivé de sorte que maintenant nous le connaissons il est grand, et paraît très jeune et a l’air aussi content qu’Hortense. Le mariage est à peu près fixé pour le milieu de Mars.
A 2h nous avions fini notre visite ; nous nous sommes alors embarquées d’une succession de tramways qui passaient toujours complets et nous avons mis 1h ¼ pour arriver de la rue de Rome au Jardin d’acclimatation, chez Mme Geoffroy[10] nous avons trouvé oncle et les Brongniart qui sachant nos projets étaient venus aussi de leur côté ; nous avons fait une longue visite très amusante d’abord parce que nous étions avec Jeanne et ensuite parce que ces messieurs sont toujours très drôles, quand ils sont ensemble et qu’ils parlent de leur jeunesse.
Après la visite nous avons fait un tour de jardin où malheureusement il n’y avait plus de Lapons ! et enfin nous avons été à pied chercher l’omnibus de la porte Maillot où nous avons été forcés de voir passer 6 voitures complètes avant de pouvoir monter à notre tour ; bref il était l’heure du dîner quand nous sommes rentrés ici ; tu comprends que ce soir j’aie un peu sommeil et tu me pardonneras j’espère mon style un peu embrouillé ; moi qui avais tant de projets pour cette soirée et maintenant je n’ai plus qu’une idée c’est d’aller me coucher idée qui l’emporte sur toutes les autres et à laquelle je vais céder. A demain matin mon petit Père, dors bien repose-toi bien ; si je pouvais t’ôter un petit peu de ta fatigue je t’assure que je le ferais bien volontiers.
Lundi midi. Hélas, mon Père chéri depuis ce matin nous sommes à nous dire : Ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ? Mais nous avons beau regarder il n’arrive rien pas un pauvre petit mot de toi pour nous rassurer sur ton sort ! J’espère que ce n’est qu’un retard de la poste car hier M. Aubry nous a dit que le train de Mulhouse avait une heure de retard. Nous nous apprêtons à partir au cours de physique[11] puis de là nous irons à la littérature[12] comme ton tableau doit te le dire du reste. Ce soir tante et ces Messieurs[13] vont dîner chez Mme Masson[14].
Il fait très froid aujourd’hui, tout est gelé de nouveau mais il fait un beau soleil qui invite à sortir.
Adieu mon Papa chéri que j’aime, il me semble qu’il y a déjà bien longtemps que tu nous as quittés et je voudrais bien savoir quel a été le résultat de ton long voyage.
Je t’embrasse de tout mon cœur.
Ta fille
Marie
Je t’écris au son de la voix d’Emilie qui fait ses arpèges elle n’a pas l’air de s’amuser beaucoup de ses a a a a.
J’espère que tu auras bien fait nos amitiés à tout le monde, bon-papa, bonne-maman[15], les Léon[16], oncle et tante Georges[17], Maria[18] & Enfin à toutes les personnes que tu verras
Notes
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie, sa sœur Emilie Mertzdorff et leur « tante » Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Brongniart.
- ↑ Catherine Simonis épouse d’Edouard Brongniart.
- ↑ Catherine Edmée Davésiès de Pontés, veuve d’Adolphe Simonis Empis et mère de Catherine Simonis-Brongniart.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
- ↑ Hortense Duval, nièce de Mme Lafisse, va épouser Marcel Aubry.
- ↑ Marthe Ravisy, épouse d’Albert Geoffroy Saint-Hilaire.
- ↑ Cours de physique donné par Emile Fernet à la Sorbonne.
- ↑ Cours de littérature donné par Eugène Talbot ?
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son père Henri Milne-Edwards.
- ↑ Probablement Marie Adélaïde Lucas, épouse de Georges Masson.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Léon Duméril, son épouse Marie Stackler et leur petite Hélène Duméril.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
- ↑ Maria Lomüller, épouse de Georges Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 19 et lundi 20 janvier 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_19_et_lundi_20_janvier_1879&oldid=42432 (accédée le 15 novembre 2024).
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