Dimanche 14 octobre 1917

De Une correspondance familiale




Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1917-10-14 pages 1-4.jpg original de la lettre 1917-10-14 pages 2-3.jpg


14 Octobre 17

Mon cher Louis,

Voilà ta lettre du 11 qui nous arrive et bien vite je viens t’en remercier. Je ne suis pas surprise d’apprendre que tu sois resté longtemps sans nouvelles de nous, puisque nous ne pouvions t’écrire, faute d’avoir ton adresse. Mais tu dois, à l’heure qu’il est, être en possession de plusieurs lettres et GDB[1]. Et puis maintenant le courant régulier de la correspondance va s’établir.

Je réserve le récit des événements assez nombreux et intéressants de la semaine et les nouvelles diverses pour la gazette[2], mais je veux te dire tout de suite, mon petit, combien nous sommes heureux d’avoir des détails sur toi, sur ta vie, nous pensons tant à toi.

Nous avons eu hier des nouvelles de Pierre[3] : il est de plus en plus occupé par sa Batterie de 120 dont il a à former le personnel et le sera plus encore car il s’attend à avoir 2 Batteries de 120 à commander avec l’aide d’un seul Lieutenant assez inexpérimenté. Il paraît s’attendre aussi à quelques événements de guerre de son côté et n’ose prévoir une époque pour sa prochaine permission.

Jacques[4] espère en avoir une au commencement de Novembre. Aussi Elise partira-t-elle probablement le 30 tandis que nous pensons prolonger jusqu’au 3 ou au 5 sans que rien soit encore décidé.

La pauvre Made[5] est dans les malades et la matière jusqu’au cou. Les 2 grands[6] vont mieux. Hubert[7] reste encore très souffrant, très affaibli et toujours sans aucun appétit. Le médecin diagnostique une crise d’entérite suraiguë et prévoit de longues et minutieuses précautions pour l’avenir. Je plains la pauvre Made, rien n’est plus ennuyeux et difficile que ces précautions-là. Mais on en vient à bout, témoin Riquet dont je n’aurais pas donné cher quand il avait 8 mois ! Lucie et Henri[8] ont été à Caen pour le baptême Hurtrel avec retour par Trouville, Le Havre (traversée épouvantable sans qu’ils aient cependant à en souffrir) enfin Rouen. En tout de Vendredi matin à Lundi soir. Hippolyte et Bertha[9] sont arrivés en leur absence. A. M.[10] est ravie de sa ½ pension. Geo[11] continue à être muet, Odile[12] a mangé sa première soupe. Les peuples heureux n’ayant pas d’histoire je ne sais rien de [Vève[13]]. Je t’ai envoyé 1° des noix ; 2° un jersey et 2 paires de chaussettes en attendant nos fouilles rue de Sèvres[14] pour retrouver tes affaires.

Mme Ch.[15] est toujours absente. Georges[16] est en permission depuis hier soir. Nous faisons et défaisons des projets pour notre personnel sans savoir ce qu’ils ont peut-être décidé déjà eux-mêmes. Je soupçonne Louise qui est fatiguée de vouloir se retirer, la présence de G. va sans doute déclencher les entretiens et les solutions. Nous penserions un peu emmener les Alexandre[17] à Paris au moins pour le fort de l’hiver jusqu’à ce qu’Al. ait à travailler au jardin.

Je t’embrasse tendrement mon cher enfant, ton papa[18] aussi, nous t’aimons bien, tu le sais.

Emy


Notes

  1. Gazette De Brunehautpré.
  2. Voir le document suivant : gazette n° 8.
  3. Pierre Froissart, frère de Louis.
  4. Jacques Froissart, frère de Louis et époux d’Elise Vandame.
  5. Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.
  6. Patrice (5 ans) et Bernard (3 ans) Colmet Daâge.
  7. Hubert Colmet Daâge, un an.
  8. Lucie Froissart et son époux Henri Degroote.
  9. Hippolyte et Bertha, employés par les Degroote.
  10. Anne Marie Degroote (9 ans).
  11. Georges Degroote (5 ans).
  12. Odile Degroote (7 mois).
  13. Geneviève Degroote (4 ans).
  14. Rue de Sèvres, adresse parisienne des Froissart.
  15. Probablement : Marie Élisabeth Chérifat, employée par les Froissart.
  16. Georges Bénard et son épouse Louise Bruche, employés par les Froissart.
  17. Alexandre Baudens, employé par les Froissart.
  18. Damas Froissart.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 14 octobre 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_14_octobre_1917&oldid=59402 (accédée le 27 avril 2024).

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