Dimanche 14 et lundi 15 août 1881
Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann), à sa petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer)
Vieux-Thann 14 Août 1881
Merci mille fois, ma chère petite Marie, de ta bonne lettre qui nous a fait le plus grand plaisir à ton bon-papa[1] et à moi : par tes intéressants détails sur la petite Jeanne[2] nous la voyons et remercions Dieu avec toi de tout ce qu’il y a d’exceptionnellement heureux dans son développement et dans l’état de sa chère mère à laquelle je recommande toujours les soins et l’absence de fatigue.
Dans ce moment il y a en Alsace une épidémie de coqueluche qui nous tourmente beaucoup, nombre d’enfants en sont atteints et très gravement, aussi approuvons-nous tout à fait ton oncle Léon[3] qui va demain à Schelestadt[4] pour savoir si Mlle Oberlé[5], au retour de Berck, pourrait recevoir chez elle ta tante[6] et la petite Hélène pendant la durée de la cruelle épidémie qui règne ici dans ce moment. Quand le mal arrive il faut savoir s’y soumettre, mais que du moins on n’ait rien à se reprocher en sachant prendre les précautions indiquées par la prudence. Nous te voyons par la pensée à Villers jouissant complètement de la petite Jeanne qui partage avec ses petits cousins[7] toute la sollicitude de la chère famille au milieu de laquelle se trouve cet intéressant groupe d’enfants. Puis je me dis que là auprès de Marcel[8], de Madame de Fréville[9] qui t’a accueillie en vraie mère, auprès de sa fille[10] si douce, aimable et sensée, et loin des exigences du monde, tu passes des moments dont le souvenir ne s’effacera pas. Que de fois ta tendre mère[11] quand elle était à Montmorency avec nous, avec ses parfaites amies Eugénie et Aglaé[12], avec Madame Desnoyers[13], voyait le temps fuir avec rapidité et cependant huit jours se passaient souvent sans qu’un seul étranger se montrât dans la maison. La lecture (et ta mère lisait si bien), le travail, de jolies promenades rendues instructives par la conversation de Monsieur Desnoyers[14] absorbaient les journées dont la douce et aimable gaîté n’était jamais exclue.
N’as-tu pas été étonnée, ma chère enfant, de voir faire à des vieux parents tant de diverses pérégrinations que nous avons entreprises avec grand élan de cœur parce que nous allions visiter des parents et amis tendrement aimés. Ces séjours à Rosult[15], à Tonnerre[16] nous laissent de biens doux souvenirs et cependant ma santé a été éprouvée, je ne voyage plus à présent sans être atteinte de cette pénible indisposition dont j’ai été si incommodée à Paris l’an dernier, me voilà remise à présent mais j’ai eu besoin de quelques jours de repos. Je pense que tu aurais ri en me voyant mettre tant de [curiosité] pour tâcher de parvenir à visiter un château gothique situé près de Rosult, puis à Tonnerre à examiner de près divers objets ayant appartenu au fameux et mystérieux chevalier Éon de Beaumont personnage dont il a été beaucoup question sous le règne de Louis XV.
(du 15) Je reprends la plume ce matin, ma bien chère enfant, hier je l’avais quittée afin de nous rendre à l’heure exacte du dîner de ton excellent père[17] qui nous avait invités, nous avons passé avec lui quelques bonnes heures qui nous ont paru courtes tout en nous demandant si nous n’abusions pas de son temps : si rien ne se trouve dérangé dans ses projets, il partirait après-demain pour Launay et irait ensuite te trouver à Villers où il est bien impatient de voir ses enfants et sa petite-fille[18].
Avant de rentrer ici nous avons été faire visite à M. et Mme Heuchel[19] qui nous ont reçus de la manière la plus aimable s’informant avec vif intérêt de tout ce qui [ ] rapport et étant heureux des réponses que nous faisions à leurs demandes.
La lettre que tu nous as envoyée est de notre cousin Raoul-Duval[20] nous apprenant qu’il a été atteint chez ses enfants[21] au château du Vaudreuil (Eure) d’une fièvre intermittente à laquelle s’est joint, sous l’influence des chaleurs excessives, un danger de congestion cérébrale, mais grâce à Dieu il est aujourd’hui en pleine convalescence sans toutefois être en état de reprendre sa vie ordinaire. Hier soir nous est arrivée une bien bonne lettre de ma petite Émilie[22], elle nous dit que tout le monde va bien à Launay et que sa chère bonne-maman Desnoyers[23] fait des petites promenades qui paraissent bien l’intéresser. Adieu chers enfants nous vous embrassons bien fort ainsi que la petite Jeanne. Bons souvenirs à Mesdames de Fréville[24] et de la Serre[25] que nous sommes heureux de connaître.
Félicité Duméril
Je suis sûre que la brave nounou[26] est bien reconnaissante des soins que tu apportes à sa lecture. De son côté, Maria[27] apprend aussi à lire
Ce matin à l’Église j’ai vu tes amies Berger[28] avec leur petite sœur[29], toutes trois avaient un recueillement dont j’étais touchée.
Notes
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Sélestat.
- ↑ Clémentine Oberlé.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril et mère d’Hélène Duméril.
- ↑ Louis, Étienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
- ↑ Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Eugénie et Aglaé Desnoyers.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ A Rosult pour voir la famille Vasseur.
- ↑ A Tonnerre pour voir la famille de Charles de Torsay.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Élisabeth Schirmer.
- ↑ Charles Edmond Raoul-Duval.
- ↑ Edgar Raoul-Duval et son épouse Catherine Foerster.
- ↑ Émilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
- ↑ Louise de Fréville épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
- ↑ Probablement Marie, nounou de Jeanne de Fréville.
- ↑ Maria, employée de maison.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Julie Berger.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Dimanche 14 et lundi 15 août 1881. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann), à sa petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_14_et_lundi_15_ao%C3%BBt_1881&oldid=60841 (accédée le 15 novembre 2024).
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