Mardi 16 août 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

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Villers 16 Août 81.

Mon cher Papa,

Depuis Samedi, je guettais une lettre de Launay m’annonçant ton arrivée et je ne recevais rien ; mon esprit te suivait en chemin de fer, je pensais à mon papa bien fatigué, etc. quelle n’a donc pas été ma surprise et mon désappointement en recevant ce matin avec une lettre d’Émilie[1] la dernière lettre que tu lui as adressée et dans laquelle tu dis que ton voyage est encore retardé ! Tu dois être bien mécontent de moi mon cher Papa, car il y a un siècle que tu n’as reçu de mes nouvelles mais j’étais si bien convaincue que ma lettre ferait inutilement le voyage que j’attendais soit que tu m’écrives soit qu’Émilie m’envoie tes projets. Nous aurions vraiment pu rester longtemps ainsi car j’apprends en même temps que tu ne m’écrivais pas faute d’adresse ; je suis très fâchée d’avoir oublié de te donner des indications plus complètes pour notre demeure mais notre nom est déjà bien connu à la poste et Villers-sur-Mer, Calvados suffit ; notre maison, du reste, porte suivant les goûts les noms de : Villa des Panoramas, chalet Davidoff, et chalet russe. Que te dirai-je de nous mon cher Papa ? Que nous allons à merveille, tu le devines, il ne peut en être autrement, Jeanne[2] est florissante de santé, que le bon Dieu me la conserve toujours ainsi et je serai bien heureuse.

Le temps hélas n’est pas d’aussi belle humeur que nous, depuis 10 jours, la mer et le vent sont déchaînés, impossible de se baigner et surtout de pêcher ce qui désole le pauvre Marcel[3], ses débuts étaient si beaux ! Aujourd’hui la pluie vient compléter cet ensemble de choses désagréables, on n’a même plus la ressource des promenades dont nous usons souvent ; il faut rester coûte que coûte à la maison ; c’est Jeanne qui a le plus de peine à en prendre son parti, elle est tellement habituée à passer sa vie dehors du matin au soir ; qu’elle grogne quand on la tient à la chambre. Ses cousins[4] aussi sont assez malheureux mais ils savent s’occuper ; Louis travaille déjà assez sérieusement ; nous faisons un peu d’allemand ensemble et cela ne marche pas trop mal. Il y a ici énormément de monde, toutes les villas sont habitées et tu verras comme leur nombre s’est accru depuis 1868 ! Marcel a retrouvé beaucoup de membres de la Cour mais on ne se fait que très peu de visite et nous ne sommes nullement gênés par ce grand nombre de connaissances. Il y a une de ces familles qui a apporté un jeu de croquet et nous avons déjà fait quelques parties avec eux. Marcel doit aller Dimanche à Paris pour les élections[5], peut-être le verras-tu ? Il ne fera pas un long séjour. Que je me réjouis de vous voir ici ! Je pense sans cesse au bon moment de votre arrivée.

Adieu ou mieux au revoir, mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.

ta fille,

Marie

Marcel t’envoie ses meilleures amitiés. Jeanne te regarde avec son plus gentil sourire.


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jeanne de Fréville.
  3. Marcel de Fréville.
  4. Louis, Étienne, Maurice et René Barbier de la Serre.
  5. Les élections législatives ont eu lieu les 21 août et 4 septembre 1881.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 16 août 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_16_ao%C3%BBt_1881&oldid=40729 (accédée le 18 décembre 2024).

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