Dimanche 13 août 1916 (A)
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Wimereux) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
Mon cher Louis,
Voilà bien longtemps, il me semble, que nous sommes sans nouvelles de toi. Il est vrai que nos déplacements ne favorisent pas la rapidité des correspondances.
Nous sommes partis de Brunehautpré Jeudi en auto (ce qui est une autorisation rare pour un civil et tout à fait exceptionnel pour une dame) et sommes arrivés chez Lucie[2] vers midi. Nous allons en partir ce soir. J’aurai passé 3 bonnes journées ½ avec elle et je m’en réjouis d’autant plus que je l’ai trouvée vraiment fatiguée à la suite de ses deux longs voyages par une chaleur atroce qui avaient enrhumé et un peu détraqué les enfants[3]. J’ai donc pu lui faciliter un peu le repos et je regrette de devoir m’en aller avant qu’elle soit tout à fait reposée. Mais notre permis n’était que de 4 jours et d’ailleurs les moments que je pourrai passer à Brunehautpré avec ton papa[4] sont comptés car je pense regagner Paris et Saint-Cloud[5] à la fin de la semaine. Ne crois pas que ton papa soit resté depuis Jeudi en contemplation devant la mer. Je le soupçonne de l’avoir bien peu regardée, en tout cas ce n’est pas de la plage qu’il l’a fait. Il a passé l’après-midi de Jeudi à Boulogne pour tâcher de se faire donner des prisonniers pour la moisson pour suppléer les travailleurs militaires dont on ne destine que 9 à la commune de Tortefontaine au lieu des 24 qu’elle avait demandés ! Il arrivera probablement à ses fins. Hier Avant-hier il est parti en auto pour Calais avec nombreux arrêts en route et hier matin il en partait pour Dunkerque ou plutôt Petite Synthe où l’on nous occupe un vaste terrain pour faire une gare de triage. Il est revenu par Oye[6] et Calais où il a vu les Dutilloy[7] et rentré ici hier soir.
Le séquestre vient de lui envoyer une lettre furibarde lui reprochant d’avoir qualifié son œuvre de « sabotage ». Mais cela paraît laisser ton père très tranquille.
Pierre[8] est toujours était encore dans l’Oise le 9 attendant son matériel et s’apprêtant à partir à bref délai. Henri[9] qui est à Amiens est arrivé à savoir que Pierre n’est qu’à 14 km de lui.
Michel[10] continue sa moisson. C’est par ordre qu’il la fait. Laure[11] est venue passer quelques jours chez sa belle-sœur Legentil Jules Delcroix[12] à Boulogne. Elle a déjeuné ici et passé la journée avec nous hier. Son mari est dans la Somme, au repos, mais elle avait entendu dire que tout son corps allait être envoyé à Ypres. Je ne sais sur quelles données repose ce bruit que je crois sans fondements. Je t’ai envoyé hier du jambon et bœuf mode par la poste et la même chose à Dagens.
Je t’enverrai cette semaine de l’andouille. Mardi 15 août je vais voir les enfants des patronages et donner des crucifix aux communiants de l’année. Mercredi nous aurons les officiers anglais de Dommartin. Je t’embrasse tendrement, mon cher petit et t’envoie les amitiés de ton papa et de Lucie.
Emy
Notes
- ↑ Lettre sur papier-deuil.
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote, à Wimereux après un séjour à La Bourboule.
- ↑ Anne Marie, Georges et Geneviève Degroote.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Saint-Cloud où réside la famille de Jacques Froissart.
- ↑ Oye-Plage dans le Pas-de-Calais.
- ↑ Hypothèse : Albert Dutilloy et son épouse Marie Élisabeth Fournier.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Henri Degroote.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
- ↑ Julie Legentil épouse de Jules Delcroix.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 13 août 1916 (A). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Wimereux) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_13_ao%C3%BBt_1916_(A)&oldid=60277 (accédée le 15 novembre 2024).
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