Vers le 5 décembre 1882
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Mon cher Papa,[1]
Émilie[2] t’aura sans doute expliqué comment il s’est fait que je ne t’aie pas écrit hier comme je le devais et je ne doute pas qu’elle ne t’ait bien dédommagé de l’absence de ma prose, cependant je ne veux pas qu’il en soit de même aujourd’hui et depuis ce matin je guette un instant favorable pour saisir la plume, mais les petites occupations se sont ajoutées les unes aux autres et me voilà arrivée à 3 heures sans être encore venue causer avec toi ; d’abord ce matin j’ai travaillé longtemps à m’arranger un chapeau dans la chambre de Jeanne[3] ce qui n’est pas une bonne condition pour aller vite ; puis après le déjeuner je suis devenue tout à fait gardienne de ma fille à laquelle j’ai chanté pendant une heure ½ tout mon pauvre petit répertoire (t’imagines-tu moi chantant ! je suis sûre que tu te réjouis de n’avoir pas été présent) je ne sais si c’est mon peu de talent, bref tous mes efforts sont restés vains et Jeanne a laissé passer l’heure de son sommeil sans consentir à fermer les yeux ; cela lui arrive souvent maintenant. Cependant elle va très bien de nouveau, la petite indisposition a cessé et elle reprend son bon appétit ; nous allons bien surveiller ses repas pendant quelque temps car je crois que toutes ses petites misères étaient dues à de l’inflammation causée par un peu d’excès de nourriture. Mais je ne te parle que de moi, mon cher petit Papa, et Dieu sait pourtant si c’est toi et ta chère santé qui m’occupent ! j’ai été bien heureuse de ta dernière lettre (qui est en ce moment entre les mains d’Émilie) tu es vraiment bien bon mon Père chéri, de nous écrire ainsi, si tu savais le plaisir, le bonheur que tu nous procures ! Tu parais dans cette dernière lettre un peu moins content de toi ; il est évident que cela doit être de temps en temps ainsi mais l’ensemble malgré tout est satisfaisant ; combien je me réjouis de constater cela moi-même ; je vais sans cesse voir tes chambres et je pense avec joie au temps où tu y demeureras.
Je t’ai parlé je crois de travaux entrepris dans notre jardin[4] ; on a creusé très adroitement un trou de plus de 6 m de profondeur et on est enfin arrivé je crois aux fameuses carrières ; depuis 2 jours les ouvriers ne reviennent plus, je ne sais ce que l’on compte faire de ce puits. Je te prierai mon petit père, de faire toutes mes amitiés à bon-papa et bonne-maman[5] ; j’avais commencé à écrire à bonne-maman Dimanche, mais des visites (entre autres celle de Mme Devot[6] qui m’a chargée de beaucoup d’amitiés pour bon-papa et bonne-maman) m’ont empêchée de terminer ma lettre et je l’ai retrouvée barbouillée de cocottes par mon pauvre Jeannot qui l’avait prise pour un vieux papier ! Je voulais recommencer aujourd’hui mais je n’en ai pas le temps ; dis-le je te prie à bonne-maman.
Adieu mon Père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime
ta fille
Marie
Marcel[7] est à la Cour où il va bien régulièrement toutes les après-midi. Le matin au contraire il travaille à la maison.
T’ai-je dit que nous allions nous donner des portières pour notre salon ? Nous avons fait pour cela bien des courses mais le résultat nous satisfait beaucoup.
Notes
- ↑ Lettre à situer possiblement après la lettre de sa grand-mère (non conservée) et de son père du 2 décembre et avant l'arrivée d'Émilie Mertzdorff à Vieux-Thann.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Sa fille Jeanne de Fréville (« mon pauvre Jeannot »).
- ↑ Voir la lettre du 10 novembre.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Clémentine Declercq,épouse de Félix Devot.
- ↑ Marcel de Fréville.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vers le 5 décembre 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vers_le_5_d%C3%A9cembre_1882&oldid=36133 (accédée le 15 novembre 2024).
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