Vendredi 5 décembre 1862

De Une correspondance familiale


Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers, amie de sa fille décédée (Paris)


Vieux Thann 9 Xbre 1862

Je trouve, ma chère enfant, qu'il y a bien longtemps que tu ne m'as écrit, et à présent que je n'ai plus notre bien aimée[1], j'ai bien besoin de tes lettres. Tu ne faisais qu'un avec elle et ce que tu me dis m'a fait du bien parce qu'alors je crois l'entendre. Hélas ! je suis une si pauvre créature ! Mon cœur si brisé par la cruelle épreuve que je subis a sans cesse besoin de s'adresser à Dieu et de demander les paroles de ceux que j'aime. Ici tout le monde se porte bien, mon bon mari[2] et Léon[3] vont bien aussi : la semaine prochaine je m'arrangerai pour aller passer quelques jours à Morschwiller[4]. Mon mari et mon gendre sont tous deux admirables, leur exemple et les paroles que notre bien aimée t'a adressées dans une de ses dernières lettres viennent à mon aide et me redonnent des forces au moment où je me sens défaillir. Cependant hélas ! j'ai murmuré plus d'une fois, à toi je puis le dire parce que tu en demanderas avec moi pardon à Dieu. Il y aura un an à la Noël que j'avais été de bonne heure à l'église avec ma bien aimée, en la voyant approcher de la sainte table, elle si belle de piété et de distinction, il me semblait voir une sainte, et dans le fond de mon cœur j'adressais à Dieu des actions de grâce, de m'avoir donné une telle fille !...

L'heure me presse, ma chère enfant, il faut que de suite j'en vienne à ma demande qui est de te prier d'acheter pour notre petite Marie un manchon blanc avec petite berthe ou petite palatine pareille au manchon ; ce qu'elle portait l'année dernière, passera cet hiver à la petite Emilie. Marie étant grande, je crois que tu peux bien prendre le tout pour l'âge de cinq ans. Si tu vois ma sœur[5] remercie-la bien pour moi de la robe qu'elle m'a envoyée qui est arrivée ici en parfait état, et dis-lui qu'elle me fera bien plaisir de m'écrire dès qu'elle le pourra. Je remercie bien ma chère Adèle[6] de sa bonne lettre.

Adieu ma chère enfant reçois pour toi, ta bonne mère[7], et Aglaé[8] l'expression de ma tendre amitié et ne m'oublie pas auprès de ton bon père et de Julien[9]

F. Duméril

Tous les jours j'attends une lettre de Montataire de ma bonne Eléonore[10].

Je trouve une bien tendre amie dans Madame Heuchel[11]

Depuis mon grand malheur, je m'aperçois que ma mémoire me fait souvent défaut.


Notes

  1. Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff, fille de Félicité, est décédée au mois de juillet.
  2. Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Léon Duméril, fils de Félicité et Louis Daniel Constant.
  4. Morschwiller, domicile de Félicité et son époux ; Félicité est à Vieux-Thann, domicile de Charles Mertzdorff et ses filles Marie et Emilie.
  5. Eugénie Duméril.
  6. Adèle Duméril, fille d’Eugénie, nièce de Félicité.
  7. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  8. Aglaé Desnoyers, sœur d’Eugénie, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  9. Julien Desnoyers, frère d’Eugénie.
  10. Eléonore Vasseur, épouse d’André Fröhlich.
  11. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel, l’oncle de Charles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 5 décembre 1862. Lettre de Félicité Duméril (Vieux-Thann) à Eugénie Desnoyers, amie de sa fille décédée (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_5_d%C3%A9cembre_1862&oldid=51602 (accédée le 18 décembre 2024).

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