Vendredi 30 septembre 1864
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
30 7bre 64
Ma chère petite Gla,
Je veux te remercier pour la bonne causerie d’avant-hier sans plus attendre car c’est le moyen d’en recevoir une nouvelle et comme toi je trouve qu’il y a bien longtemps que nous ne nous sommes vues et qu’il serait bien bon de causer ensemble.
Je crois que me voilà tout à fait remise et qu’il n’y a plus de cause de malaise, cependant de temps en temps encore je me repose afin de me conformer à vos conseils à tous. Je souhaiterais que tu fusses aussi bien que moi car j’en ai été quitte assez vite. Te dire ce que j’ai eu : je n’en sais rien. Tout ce que je sais c’est que j’étais souffrante et maintenant que je me sens à peu près complètement <remise>.
Tu me demandes ce que je pense : eh bien je crois que Charles[1] serait content de voir <sa petite> < > encore plus nombreuse, aussi moi tu devines que je serais heureuse de ce qui pourrait lui faire plaisir. Cependant je ne souhaite rien et je serai toujours contente car impossible d’être plus heureuse que je ne suis et ce que je demande à Dieu, c’est de nous conserver la santé. Avec les enfants[2], il faut bien se l’avouer, ce sont des préoccupations continuelles.
Aujourd’hui nous avons découvert que Mimi a déjà une dent de percée en bas devant il va falloir enlever les anciennes elles ne remuent pas, enfin la petite coquine a compris que si elle ne l’ébranle pas il faudra aller chez le dentiste et alors elle tâche de la remuer avec son doigt. Cette Mimi est trop avancée en tout, c’est préoccupant, elle n’a que 5 ans ½ et voilà les dents de 7 ans. Elle me tourmente pour prendre des leçons, mais je recule toujours, nous craignons de la fatiguer.
Mercredi Charles est allé à Mulhouse, aujourd’hui encore je suis seule, il est allé reconduire M. Delaroche à Morschwiller. Il se remet complètement aux affaires, c’est qu’un seul coup d’œil de lui fait plus que tous les autres réunis.
Mercredi matin on m’annonce M. Delaroche[3], j’étais seule je l’ai reçu de mon mieux, il a été très aimable ; il venait pour voir pour un régime à faire suivre à sa 2de fille qui est malade. Voilà encore des gens favorisés de la fortune et bien malheureux. Ça devrait guérir les envieux. J’ai fait conduire M. Delaroche à Morschwiller, hier il est allé avec M. Duméril[4] à Guebwiller puis ces Messieurs sont revenus à 5 h ici et il repart ce soir pour Paris.
Ton idée de fauteuil pour M. Dewulf me paraît bonne, mais ça ne t’amusera pas à faire, aussi quoique tu ne te sentes pas tout à fait bien, j’aime encore mieux qu’il te dise que tu es guérie.
Ah ! si nous parlions cuisinière ! Quel sujet grand Dieu ! J’ai une fille qui ne peut pas nous convenir, toujours il y a trop d’ouvrage, il semble que les autres devraient l’aider en tout et que la maison est quelque chose d’extraordinaire parce qu’il y a de l’ordre. Elle fait bien la cuisine, mais nous préfèrerions quelque chose de plus ordinaire et qui ne soit pas dans les idées que les maîtres sont faits pour payer et que dans des maisons comme celles-ci on doit gâcher et se reposer, enfin, c’est un petit ennui. Il faut bien en avoir.
Adieu ma chérie, midi sonne, je vais dîner avec mes choux, me voilà dentiste, toutes les 5 mn Mimi vient pour que je remue sa dent.
Les petites veulent toujours écrire à oncle Alphonse[5] et à tante Aglaé. Elles vous embrassent et la maman en fait autant. Ecris-moi, tu sais comme je t’aime.
Ta meilleure amie,
Eug.
Bien des choses à nos braves gens et à Louise[6].
Notes
- ↑ Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
- ↑ Marie (Mimi) et Emilie Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles.
- ↑ Henri Delaroche, dont la seconde fille est Madeleine (1848-1865).
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
- ↑ Louise, domestique.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 30 septembre 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_30_septembre_1864&oldid=36020 (accédée le 21 novembre 2024).
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