Vendredi 26 avril 1918 (B)
Lettre de Damas Froissart (Abbeville) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
Abbeville 26 avril 18
Mon cher Louis,
Je t’écris d’Abbeville : où je suis venu hier en Auto avec comme but, officiel, de reconnaître les passages de la Somme entre Abbeville et Noyelles dans l’intérêt (très éventuel j’espère) des cultivateurs de la Région entre Canche et Authie faisant avancer leur bétail.
Accessoirement, si j’avais pu trouver Jacques[1] dont une carte me faisait deviner le passage ici, j’en aurais été content, comme tu penses mais il est parti à Bouquemaison, entre Doullens et Frévent et c’est un chemin qui pourrait me ramener comme un autre au point de départ, si rien ne contrarie mes projet.
Je suis tout à fait sans nouvelles de toi depuis ton passage à ce que je crois être Gisors ; J’espère en trouver en arrivant. Tu n’es peut-être pas très loin de moi à vol d’oiseau ?
Le 10e CA[2] ne m’a pas été signalé comme de ceux qui seraient au Nord de chez moi.
J’espère que tu n’es ni trop marmité ni trop fatigué ??
J’ai pu, en raison de la mission que je me suis donnée, décrocher ici un Bon de 50 litres d’essence mais quel chiendent pour les obtenir, même avec le bon !
Ta mère[3] t’a peut-être écrit que je lui ai fait envoyer de Montreuil une autorisation télégraphique de venir à Campagne pour y recevoir 1° chez les sœurs (c’est fait), 2° chez nous (C’est offert) l’hospice civil de Lillers – 30 vieux et 11 religieuses – ce qui ne peut se faire (ai-je pu dire) qu’avec l’intervention de ma femme. Mais justement ta mère devait être, pour quelques jours, auprès de Cécile Dumas.
Pendant que ta mère allait installer les Degroote à Launay (faute, pour Henri[4], d’avoir trouvé de la place à [Clermont, Mayet et Limoges], et comme j’ai télégraphié à ta mère que son arrivée pouvait être différée, J’ignore si et quand elle viendra me rejoindre.
Dimanche dernier j’étais (passé 2 jours) à Boulogne et Neufchâtel[5].
J’ai produit et envoyé une lettre (avec [mémoires] à l’appui) pour le grand maître des armées alliées[6], en vue de l’intéresser à certains événements survenant par malheur au bétail entre Canche et Authie.
J’ai fait dactylographier mes 12 grandes pages à Boulogne et je constate, chemin faisant, auprès des préfectures (celle de la Somme est ici), un certain intérêt pour mon pensum, lequel m’aide à avoir de l’essence nécessaire à mes étapes.
Abbeville est jusqu’ici très épargnée : à part quelques bombes, rien : je ne comprends pas que les Boches perdent leur temps et leur personnel à des opérations autres que celles qui tendraient à les rapprocher d’ici. J’apprends qu’on leur a repris Villers-Bretonneux : [décidément] le barrage est plus sérieux qu’il y a un mois à Tergnier[7] et [lieux voisins].
Je t’embrasse tendrement mais écris-moi et peut-être écris-nous plus souvent.
D. Froissart
Notes
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ CA : Corps d’armée.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
- ↑ Henri Degroote.
- ↑ Neufchâtel dans le Pas-de-Calais.
- ↑ Probablement Ferdinand Foch, commandant en chef des Armées alliées du 28 mars 1918 au 10 janvier 1920.
- ↑ Tergnier, dans l’Aisne, est réoccupé par l'armée allemande le 22 mars 1918 ; une tentative le 23 mars pour reprendre la commune est un échec.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 26 avril 1918 (B). Lettre de Damas Froissart (Abbeville) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_26_avril_1918_(B)&oldid=53801 (accédée le 18 décembre 2024).
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