Vendredi 24 octobre 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-10-24 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-10-24 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann

Paris 24 Octobre 1879.

Mon Père chéri,

C’est encore avec la fenêtre ouverte que je t’écris aujourd’hui, il fait extrêmement doux, et même au milieu de la journée le soleil a percé les nuages gris qui forment trop souvent notre ciel, pour nous réchauffer quelques heures. J’ai eu beaucoup de visites c’est ce qui fait que je suis un peu en retard pour ma correspondance ; d’abord avant le déjeuner j’ai vu paraître notre future maîtresse d’allemand Mlle Jacobsen qui venait s’entendre pour les jours et les heures ; elle nous a assez plu et nous a même assez amusées par sa vivacité ; il semblait qu’elle nous avait toujours connues ; après grand conciliabule, nous avons choisi le Samedi matin et nous avons décidé qu’on commencerait la semaine prochaine, oubliant toutes que ce serait justement la fête de la Toussaint ! Il faudra lui écrire et comme nous avons envie de commencer prochainement nous lui demanderons de venir un autre jour de la semaine.

Vers midi j’ai eu une autre surprise plus agréable, la porte s’ouvre et je vois entrer Henriette[1] ! Juge de ma joie ; elle a passé un bon moment avec moi puis Émilie[2] et elles sont parties, sous la garde de Cécile[3] à la réunion de Mlle Viollet où j’aurais été bien heureuse de les suivre. Un instant après Jean[4] est arrivé puis MmeDumas[5], oncle Alfred[6] et bon-papa[7] se sont succédés auprès de moi, bref je n’ai rien fait de toute la journée mais je ne m’en plains pas puisque j’ai eu de si bonnes visites. Oncle[8] vient encore de venir à l’instant goûter ici et enfin M. Edwards[9] sort de chez moi ; tu vois comme on me gâte avec cela bonne tante[10] qui ne m’a pas quittée une minute de la journée et qui passe son temps à chercher ce qui pourrait m’être agréable et me faire plaisir. Tu comprends [ ] que je ne peux pas m’ennuyer et que les heures filent rapidement.

Tu as déjà tant entendu parler de mon trop illustre genou pour que je t’en entretienne encore ; il est toujours à peu près au même point, je plie assez facilement mais j’ai vu par l’expérience que j’ai faite qu’il est plus prudent encore de ne pas trop marcher ; hier chose singulière j’avais mal au pied par moments et dans la jambe, on se demande si ce ne serait pas du rhumatisme ; je crois vraiment par moments que je tourne au malade imaginaire, je n’ai cependant aucune disposition à me figurer des maux qui ne sont pas et si j’ai une idée fixe c’est celle de courir et non pas de continuer mon rôle intéressant ; à l’instant c’était dans la jambe droite que j’avais mal je pense que c’était de l’engourdissement mais tante croit que c’est peut-être le rhumatisme ! Tu devrais nous éclairer mon petit Père toi qui as tant pratiqué ce mal et qui le connais sous toutes ses faces. Mais dans tous les cas il ne s’exerce pas sur moi d’une façon bien terrible car quand je ne bouge pas c’est à peine si je sens de temps à autre la vilaine jambe qui me tient étendue.

Et toi mon petit Père que deviens-tu ? Je guette toutes les personnes qui entrent dans ma chambre le matin dans l’espoir de voir à la main de l’une d’elles une petite lettre de toi ; cela me ferait bien plaisir que tu m’écrives de temps à autre ce que tu fais ; je pense si souvent à toi ! Adieu Père chéri, que j’aime, je t’embrasse de tout mon cœur et je suspends mes bras à ton cou pour leur faire faire un peu de gymnastique.
ta fille, Marie


Notes

  1. Henriette Baudrillart.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  4. Jean Dumas.
  5. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  6. Alfred Desnoyers.
  7. Jules Desnoyers.
  8. Alphonse Milne-Edwards.
  9. Henri Milne-Edwards.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 24 octobre 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_24_octobre_1879&oldid=42814 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.