Vendredi 23 novembre 1877 (B)
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 23 9bre 77.
Que je suis donc étourdie, mon Papa chéri, c’est là un sujet très riche et sur lequel je pourrais t’entretenir bien longtemps ; toute la matinée j’ai pensé à t’écrire mais je faisais de l’anglais et j’ai voulu d’abord terminer mes devoirs, puis est venue l’heure de partir chez Mme Roger[1] j’ai écrit en grosses lettres sur un papier « écrire à papa » et je l’ai mis au milieu de mon bureau afin d’être bien sûre en rentrant de n’y pas manquer puis tante[2] me demande de ranger avec elle une armoire de la salle à manger je n’ouvre pas mon bureau et ce n’est que tout à l’heure, à 4h1/2 que disant à tante que tu ne nous écrivais guère je me suis rappelée que moi aussi je manquais à tous mes devoirs ; et me voilà maintenant galopant sur mon papier si bien que je ne sais même pas ce que je te dis. Pourquoi donc suis-je si étourdie ? Figure-toi que Lundi allant au cours de dessin j’emporte mon tablier car on se salit toujours beaucoup et toutes ces demoiselles en mettent, mais elles ne font pas comme moi heureusement et n’oublient pas de les ôter ; je mets mon manteau en causant dans un petit corridor obscur je tante m’attendait nous descendons allons à la grande poste & et ce n’est que quelque temps après que baissant la tête je vois cette petite loque noire qui s’agite devant moi ; inutile de te dire que cela m’a donné subitement une mine splendide et que si j’avais froid aux joues elles se sont trouvées fort réchauffées par cette petite aventure ; quant au tablier il s’est précipité tout entier et avec bonheur dans le sac de tante. Que dis-tu de ta fille ? je pourrais continuer longtemps sur ce ton-là et te parler de ma petite tasse à café du matin que je monte régulièrement au lieu de la poser à la cuisine && mais ce ne serait pas bien intéressant.
Hier nous avons eu un temps abominable comme Mercredi du reste aussi me suis-je privée d’aller au cours avec tante et Emilie[3] et je suis restée toute ma journée bien tranquille à travailler c’est ce que j’aime par-dessus tout et j’ai béni la pluie. J’ai dessiné pendant 2 heures toujours ma bosse de Psyché mais vue de grand ¾, je l’ai finie ce matin à la leçon. Aujourd’hui nous avons pris notre leçon de piano et à notre grand effroi Mme Roger nous a annoncé qu’elle réunirait bientôt toutes ses élèves et qu’elle nous ferait jouer notre morceau à 2 pianos ; juge de notre effroi !
Tu trouveras ci-joint un petit reçu qu’oncle[4] m’a chargée de t’envoyer avec tous les remerciements de lui-même et de l’association.
Adieu mon père bien aimé j’ai peur que ma lettre ne parte pas si je ne me dépêche de t’embrasser de toutes mes forces.
ta e étourdie
Marie
Notes
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 23 novembre 1877 (B). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_23_novembre_1877_(B)&oldid=35922 (accédée le 15 novembre 2024).
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