Vendredi 22 juillet 1870 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paramé) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1870-07-22 A pages1-4.jpg original de la lettre 1870-07-22 A pages2-3.jpg


Paramé

Vendredi 9h

Mon cher Charles,

Un petit bonjour avant de partir car voilà qu'il vient d'être votée une promenade, on a consulté la jeunesse par assis et levé à savoir : une promenade en bateau à vapeur sur la Rance de 11 h à 4 h et ne pas déjeuner, ou bien la plage et se livrer aux douceurs de la gastronomie. A l'unanimité on a opté pour la 1re chose.

Nous allons tous bien. Nous partons.

Ah comme cette belle mer bleue perd de son charme avec tout ce qui pèse sur l'esprit.

10 h 1/2 St Malo dans le bureau du bateau sur le quai.

Nous avons pu prendre nos lettres au facteur avant de partir. Je suis donc en possession de ta bonne lettre de Mardi soir. Tu vois que le service se fait encore assez bien ; jusqu'ici le chemin de l'Ouest marche assez régulièrement seulement avec quelques heures de retard causées par les trains de soldats. Ce matin 2 h de retard, hier 3 h.

Que je comprends et que je partage tes inquiétudes et tout ce que ton esprit a à supporter, je voudrais être près de toi. Si la réponse de M. Dugué arrive tu pars, et je trouve que tu as raison, c'est de la prudence. A défaut de lui tu pourrais déposer tes titres à Paris soit chez M. Edwards[1] soit chez papa[2], car il faut espérer qu'on n'en viendra pas à laisser l'ennemi arriver jusqu'à Paris. Bathilde[3] écrit à Hortense qu'on parle de encore de l'intervention des puissances pour empêcher le combat entre les 2 grandes puissances, car ce sera un vrai massacre. Que de douleurs.

Je serai bien heureuse de te revoir. Ma petite Émilie[4] pleurait hier soir à l'idée qu'il faudrait encore te laisser partir sans elles <   > si tu me télégraphies ton arrivée, je pourrais aller jusqu'à Rennes au-devant de toi. Nous verrons ensuite quel parti nous devons prendre pour le retour. Que Nanette[5] fasse un seul pot de conserve de haricots au sel, car elle a raison il est trop tôt de 2 mois. Mais il me semble qu'avec l'eau à < > le jardinier[6] peut toujours avoir les légumes de la maison.

Nos fillettes[7] ont bonne mine, s'amusent beaucoup, rient toute la journée.

Hier Julien[8] et moi nous avons emmené les 3 fillettes[9] par la falaise à la pointe rocheuse[10] à droite et retour par la plage dans le brouillard, le soir on a fait des crêpes.

En ce moment, notre petite jeunesse est bien proprette et se dispose à un voyage en bateau sur la Rance, on te contera cela demain. Que n'es-tu là ? Pour moi, tu devines que je ne jouis de rien ne t'ayant pas là je voudrais bien pouvoir te rejoindre nous reparlerons de cela. Julien n'a pas encore d'avis. Pour Alfred[11] rien de décidé ce ne sera que après l'inventaire.

Adieu Ami chéri je t'embrasse du plus profond de mon cœur

ta Nie


Notes

  1. Henri Milne-Edwards.
  2. Jules Desnoyers.
  3. Bathilde Prévost, épouse d’Alphonse Duval et mère d’Hortense.
  4. Émilie Mertzdorff.
  5. Annette, employée chez les Mertzdorff.
  6. Gustave, jardinier chez les Mertzdorff.
  7. Émilie et Marie Mertzdorff.
  8. Julien Desnoyers.
  9. Hortense, Emilie et Marie.
  10. Probablement la Pointe de Rochebonne.
  11. Alfred Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 22 juillet 1870 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Paramé) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_22_juillet_1870_(A)&oldid=61058 (accédée le 15 novembre 2024).

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