Vendredi 22 avril 1910

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai)


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Montreuil, 22 Avril

Mon cher Louis,

Je suis bien en retard pour t’envoyer la clef de Pierre[1] que tu devais recevoir Jeudi. Je ne sais si l’envoi de ses papiers est pressé et s’ils doivent lui parvenir pour une date fixe et rapprochée. S’il en était ainsi il ne faudrait peut-être pas attendre jusqu’à Dimanche pour les lui envoyer, et dans cette hypothèse, il serait bon que tu ailles les chercher dès demain pendant la récréation de midi. Je te fais donc une carte pour en demander la permission, à toi de voir si tu dois en user.

J’espérais avoir de tes nouvelles ce matin. Comment vas-tu ? Ne dois-tu pas sortir chez ta tante Madeleine[2] Dimanche ? je crois le comprendre d’après une lettre.

Ici on est un peu énervé et tout le monde souhaiterait d’être de trois jours plus vieux[3]. Les affiches n’arrivent pas dans les villages, on les réclame, personne ne veut en avoir la responsabilité de l’organisation qui en a assuré l’envoi &&.

Hier soir ton papa[4] a fait une conférence privée à Campagne, un vrai succès ; il avait 120 personnes et a été très écouté et acclamé même. Une bande d’une trentaine de Morellistes[5] conduite par Leroux[6] et qui n’avaient pu entrer dans la salle ont attendu son auto au coin de Huré[7] chez qui tous les amis étaient entrés pour boire encore une petite bistouille. Ces lâches ont lancé des pierres contre l’auto et ton papa entendant ces projectiles a fait arrêter sa voiture et est allé au devant des lanceurs de pierre parmi lesquels était toujours Leroux : ton papa lui a fait honte, lui qui devrait maintenir l’ordre && puis il est entré chez Huré, a raconté l’aventure à tous les gens qui sont sortis en foule et ont conspué les morellistes. On se serait sans doute battu si ceux-ci ne s’étaient pas sauvés. Puis la voiture a été envahie par les ouvriers de Brunehautpré qui ont ramené ton papa en hurlant vive Froissart, à minuit tout le monde chantait et criait encore dans notre paisible Brunehautpré. La bistouille avait mis en gaîté. Malgré tout le résultat est encore bien incertain et c’est sans doute le dernier qui fait boire qui est le plus coté. Il ne faut pas se faire d’illusions. Néanmoins Morel a eu ici hier soir une réunion piteuse dont nous venons d’avoir les échos. Avant-hier il a été mis à la porte à Chériennes !

Je t’embrasse vite car j’ai beaucoup à faire.

Émilie

Je ne renverrai décidément pas Françoise[8] avant les élections car, en cas de succès, nous aurons [ ] beaucoup à faire, à recevoir, à donner à boire & et Lucie[9] sera peut-être pressée de repartir avec son personnel. Or il nous faudra avoir aussi maison ouverte à Montreuil pendant quelques jours. En cas de ballottage ou d’échec ce serait différent.


Notes

  1. Pierre Froissart.
  2. « Tante » Madeleine non identifiée. S’agit-il de sa sœur, âgée de 21 ans ?
  3. Allusion au second tour des élections législatives, pour lesquelles Damas Froissart est candidat.
  4. Damas Froissart.
  5. Partisans de Victor Morel.
  6. Henri Leroux, pharmacien rue de L’Église.
  7. Fortuné Huré, ferblantier rue de L’Église.
  8. Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, employée par les Froissart à Douai.
  9. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Vendredi 22 avril 1910. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_22_avril_1910&oldid=56410 (accédée le 21 novembre 2024).

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