Vendredi 20 mai 1870
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
20 Mai 70
Ma bonne petite Gla,
Ne croirait-on pas à voir nos lettres que nous sommes les femmes du monde les plus frivoles, toujours question de robes et de choses de ce genre, mais il faut bien s'en occuper ; et je viens te prier de m'acheter et de me faire faire le plus tôt possible une robe grise en petite étoffe de laine solide, légère, pouvant se mettre en toute circonstance ; fais comme pour toi. D'après ce que tu me dis que vous prenez le deuil, il me semble mieux d'avoir cette robe d'un gris deuil (et pas deuil car maintenant on met ces étoffes-là sans être en deuil) cela me permettra d'être comme vous tous lorsque je verrai Victorine[1], d'autant plus que je n'ai que des robes et chapeaux noirs et qu'un ruban rouge était le seul changement à ma toilette. En ce moment je mets pour m'habiller ma petite robe de soie à raies noires et blanches avec mon châle de dentelle de laine, c'est tout ce que j'ai et mon chapeau de dentelle noire avec aigrette blanche. Juge s'il faut faire faire autre chose. Tu sais mieux que moi. La robe que j'avais achetée l'année dernière dont ci-joint l'échantillon, me fait ma robe de tous les jours. Alors je pense qu'avec une robe grise complète jupon et paletot ça me suffira, ayant de la toile pour le matin.
Je suis contrariée de te donner encore l'ennui de t'occuper de moi, mais ici on ne trouve rien de bien. Je suis très contente de ce que tu m'as envoyé pour les enfants[2].
Qu'as-tu toi ?
Je serais bien heureuse d'avoir de vos nouvelles. Paul T.[3] a-t-il pensé à Alfred[4] pour l'affaire qui leur reste sur les bras. Si je t'en parle c'est que tu sais Charles[5] est toujours disposé à aider Alfred car là il faudrait qu'Alfred arriva comme associé, indépendamment d'un fixe sur le tout comme directeur, enfin on va voir. Pauvres gens sont-ils malheureux, je n'ai plus eu de nouvelles de Cécile[6] depuis que ma tante[7] m'a annoncé la naissance. Pauvre petite femme je l'ai sans cesse devant les yeux : Que de douleurs dans la vie, et dans ces moments-là, aux douleurs viennent s'ajouter les arrangements des choses matérielles dont il faut s'occuper.
Alphonse[8] est-il revenu de la mer ? Et Louise[9] pour quelle époque l'arrivée de son 8e enfant[10] ? Pauvre petite femme ?
Et notre cher petit Jean[11], il doit être bien gentil, embrasse-le bien pour tante Eugénie, s'il se rappelle encore d'elle et d'oncle Mertzdorff. Je ne dis pas de ses petites amies, je suis sûre qu'il ne les a pas oubliées.
11 h La bonne lettre de maman[12] m'arrive, me voici contente d'avoir de vos nouvelles ; je n'ai que le temps de vous embrasser à la hâte, je vais m'habiller pour aller à Mulhouse avec Mme Zaepffel[13] et les fillettes
Mille amitiés à vous tous
Eugénie M
Notes
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Paul Louis Target.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Cécile Target, dont l’époux Georges Jean Festugière est décédé le 11 mai. Leur second fils, Georges, est né le 12 mai.
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target et mère de Cécile.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louise Milne-Edwards, épouse de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ André Pavet de Courteille naît au mois d’août.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 20 mai 1870. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_20_mai_1870&oldid=35861 (accédée le 18 décembre 2024).
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