Vendredi 1er décembre 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 1er Décembre 76.
Mon Père chéri,
Inutile de te dire combien nous fait plaisir la grande nouvelle que tu nous annonces ce matin et que nous espérions bien du reste. Enfin voilà oncle Léon[1] fiancé ! puisse cette demoiselle Marie[2] faire son bonheur et être bien la femme qu’il pouvait souhaiter. Que je voudrais donc la connaître ! D’après tout ce que renferme ta lettre tu parais fort content ; comme maman[3] l’aurait été elle aussi que ce mariage préoccupait tant et petite mère[4] donc ! oh ! je suis sûre qu’elles pensent bien à lui de là-haut et qu’elles obtiendront du bon Dieu de bénir cette union. Depuis ce matin je ne vis plus qu’à Vieux-Thann, je te suis à Mulhouse où je me figure de mon mieux Mlle Stackler et je t’assure que l’idée que je m’en fais est bien bonne ; combien je me réjouis d’avoir une nouvelle tante et une tante si jeune qui sera presque une amie. Je me transport ensuite au moulin où j’embrasse de toutes mes forces mon cher bon-papa et ma chère bonne-maman[5] qui doivent être si heureux et qui savent si bien quelle part nous prenons à leur bonheur ; je vois oncle Léon s’empressant à Mulhouse et je le félicite de tout mon cœur en attendant que je le fasse directement enfin je pense à toi mon bon père chéri, toi l’agent de tout ceci, qui je suis sûre est bien content du bonheur de tous et qui en prends bien ta part ; tu ne saurais croire combien je me réjouis pour toi à la pensée de voir cette jeune bientôt ce jeune ménage auprès de toi, qui remettra un peu d’animation dans cette pauvre maison si triste maintenant, il faudra que Mlle Marie tienne un peu notre place. Enfin mon petit papa je ne saurais te dire tout ce que j’éprouve ni combien de pensées gaies et tristes me traversent l’esprit depuis ce matin. Quand donc te verrons-nous ? Je comprends que tu sois bien occupé là-bas ; mais maintenant j’espère que tu vas laisser un peu les jeunes gens s’arranger ensemble et que tu n’oublieras pas tes filles[6] qui ne t’ont pas vu depuis deux mois ; sais-tu bien que c’est aujourd’hui le 1er Décembre et que nous sommes revenues de Biarritz le 1er Octobre ? Peut-être vas-tu nous trouver toutes corrompues ; qui sait ? après si longtemps. Pour t’y préparer, je te dirai que je deviens fort paresseuse et que ce matin j’ai été bien grondée par Mlle Duponchel[7] qui trouve que je ne fais plus rien et c’est bien vrai ; enfin maintenant que le déménagement est à peu près fini je vais tâcher de m’y remettre [sérieusement]. Que de fois ai-je déjà dit cela ! Mlle Marie dessine-t-elle ? joue-t-elle du piano ? comme ce serait amusant de faire de tout cela ensemble !
Tante Cécile[8] est ici et est en train de faire accrocher les tableaux et portraits ce qui n’est pas une petite affaire car presque tous les murs sont en pente ; on cause beaucoup, de sorte que je ne sais plus ce que je te dis.
Nous avons été hier au cours et j’ai eu ma leçon d’histoire qui m’a beaucoup intéressée et m’a paru fort bien faite[9] ; j’y ai retrouvé Marthe[10] et Pauline[11] à mon grand bonheur.
Adieu, ou plutôt au revoir mon Père chéri car j’espère que c’est bientôt que nous aurons le bonheur de t’avoir là à côté de nous, en attendant je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
ta fille Marie
Si j’osais je te demanderais lorsque tu verras Mlle Stackler de lui dire quel plaisir me cause cette grande nouvelle et combien je me réjouis de faire sa connaissance. Il me semble, d’après tout ce que tu me dis, que je ne pourrai pas ne pas l’aimer.
Notes
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Marie Stackler.
- ↑ Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff, mère des jeunes filles.
- ↑ Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et Félicité Duméril, parents de Léon.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Professeur : M. Pasquier.
- ↑ Marthe Tourasse.
- ↑ Pauline Dupoirieux ?
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 1er décembre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_1er_d%C3%A9cembre_1876&oldid=35840 (accédée le 18 décembre 2024).
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